L'Affaire Moro
7.1
L'Affaire Moro

livre de Leonardo Sciascia (1978)

Essai philosophico-littéraire plutôt qu'enquête véritable.

En 1978, Aldo Moro, président de la Démocratie Chrétienne (DC) italienne, connue pour ses liens avec la mafia et ses scandales de corruption, est enlevé par les brigades rouges après le massacre de son escorte. Il est tenu dans un lieu secret pour subir un jugement "populaire". Le pire, c'est que dans le panier de crabes de la DC, Moro, bien qu'au courant des turpitudes de chacun, était un des seuls irréprochables.

Et le pire, c'est que les siens vont le lâcher, en se retranchant derrière la raison d'Etat ("on ne négocie pas avec les terroristes").

Et le plus étrange, c'est que les brigades rouges feront parvenir des lettres de Moro par la poste, lettres dans lesquelles il se montre de plus en plus critique vis-à-vis des siens qui l'abandonnent, sans aller jusqu'au déballage, mais en appelant aux valeurs chrétiennes qui recommandent d'épargner le sang d'un innocent. Sang qui finira bien par être versé, Moro souhaitant qu'il retombe sur les responsables qui l'ont condamné par leur attentisme.

Sur cette affaire, qui par son côté rocambolesque ne pouvait se er dans un autre pays que l'Italie, Sciascia se place dès le début sur le plan littéraire, faisant des parallèles avec une citation prémonitoire de Pasolini et avec une nouvelle de Borgès. La suite du livre reprend plusieurs des lettres-clé de Moro et en fait un commentaire linguistique, voire sémiologique. Sciascia essaie de lire dans les non-dits, de démêler les maladresses de l'émotion des effets littéraires calculés d'Aldo Moro, connu pour une verve assez personnelle.

Le livre est un procès en règle de l'hypocrisie de la DC, mais aussi du pouvoir en général. Il offre aussi une réflexion sur le côté italien de ce contexte, avec un parallèle entre l'organisation des Brigades Rouges et celle de la mafia.

Mais pour qui voudrait une vision panoptique de l'affaire Moro, il faudrait sans doute chercher ailleurs. Sciascia aime le tarot sicilien (auquel il fait référence), il aime sonder l'abîme dans laquelle sont plongés les personnages de cette situation inédite, et s'il a des idées précises sur ce qui s'est é, il ne le laisse transparaître que de manière allusive, obscure, délibérément hermétique (cf la dernière phrase).

L'affaire Moro est un des livres à lire pour comprendre cette affaire, mais relève davantage de l'essai littéraire que de l'enquête exhaustive. C'est un essai sur le pouvoir, sur la corruption, sur la manière dont un individu qui va être broyé se débat, sans que l'on sache au final qui l'a véritablement broyé : les Brigades Rouges ? la DC ? Ses s américains ?

7
Écrit par

Créée

le 12 mai 2022

Critique lue 14 fois

zardoz6704

Écrit par

Critique lue 14 fois

Du même critique

Tout ou rien...

C'est ce genre de film, comme "La dernière tentation du Christ" de Scorsese", qui vous fait sentir comme un rat de laboratoire. C'est fait pour vous faire réagir, et oui, vous réagissez au quart de...

le 6 sept. 2013

59 j'aime

10

C'est beau, c'est très pensé, mais...

Milieu des années 1970 dans la banlieue de Seattle. Un mal qui se transmet par les relations sexuelles gagne les jeunes, mais c'est un sujet tabou. Il fait naître des difformités diverses et...

le 24 nov. 2013

45 j'aime

6

Fatigant...

"Crossed" est une chronique péchue, au montage saccadé, dans laquelle Karim Debbache, un vidéaste professionnel et sympa, parle à toute vitesse de films qui ont trait au jeu vidéo. Cette chronique a...

le 4 mai 2014

42 j'aime

60