Évangile de la SF, An 70 après JC

Pour commencer, je dirais que James Cameron a longtemps été une de mes idoles. Durant une longue partie de mon enfance et de mon adolescence (disons du primaire jusqu’au lycée) mon film préféré restait Terminator 2, que je considère toujours dans son genre, au même titre que Fight Club, Heat et Il était une fois dans l’Ouest dans les leurs, comme un film quasiment parfait, tant dans la forme que dans le fond. Quant à Aliens, je ne m’en remis jamais. Ce survival guerrier sur une planète aussi sinistre que peuplée de monstres reste à mes yeux le plus grand film de science-fiction jamais produit (avec le premier opus, The Thing, 2001, Blade Runner et Robocop). J’ose à peine imaginer ce que Cameron aurait su créer en poursuivant dans cet univers plutôt que, par exemple... remaker La Totale. Certainement de la SF ambitieuse tant visuellement que narrativement, mais noire, cruelle, violente, adulte. De la SF à hauteur d’homme comme Aliens, et non pas de la SF essentiellement visuelle lorgnant plus sur la space fantasy. Imaginez seulement quel Alien 5, un temps envisagé au début des années 2000, Cameron aurait pu écrire pour que Scott le réalise, comme ils l’avaient prévu. Un grand rendez-vous manqué...

Bref, comme je l’ai écrit sur ce site il y a dix ans, Aliens était de ces films qui comme Terminator 1 et 2, Robocop 1 et 2, Total Recall, Starship Troopers et même Planète hurlante sentaient le métal, la rouille et le sang. À ce titre, Cameron restait mon cinéaste préféré (avec pour d’autres raisons, Leone, Spielberg et Carpenter). Jusqu’à Titanic.


Ceci dit, ons maintenant au bel objet qu’est ce livre intitulé James Cameron : Histoire de la science-fiction.

Il est intéressant de lire ou de relire ce superbe ouvrage retranscrivant les quelques entretiens de James Cameron avec d'autres réalisateurs de son calibre dans l'émission américaine éponyme de 2018 qui, comme son titre l'indiquait, étudiait l'histoire du genre, surtout sur grand écran, à travers le regard de cinq réalisateurs "essentiels". Intéressant, non pas parce que le livre en question apporte à travers ses quelques explorations de thèmes classiques (voyage spatial, temporel, invasion alien, monstres, dangers de l’intelligence artificielle) beaucoup d'éclairage sur le genre en lui-même (les fans purs et durs de SF et les cinéphiles n'y apprendront pas grand-chose de nouveau), mais parce qu'il propose, à travers ses sept interviews (s’ajoutent celles de Cameron et de Schwarzenegger), plusieurs anecdotes de tournage intéressantes tout en donnant la parole à des réalisateurs de légende, très prolifiques mais relativement peu bavards en temps normal.



L'occasion de se faire une idée de la personnalité de chacun des cinq réalisateurs interviewés ici par celui qui se voudrait le plus fédérateur et se révèle aussi, quelque part, le moins humble d'entre eux. Il suffit par exemple de lire à la fin du livre l'interview de Ridley Scott par James Cameron pour y voir la confrontation polie de deux identités artistiques propres, concevant l'une et l'autre leur métier de réalisateur de manière résolument différente. Quand James Cameron semble parfois se féliciter d'avoir contribué à apporter au genre ses lettres de noblesse au cinéma (ce qui est bien évidemment le cas) mais qu'il e sous silence l'influence des œuvres d'Harlan Ellison (dont on reste en droit de se demander s’il ne s’est pas inspiré de deux de ses histoires en les combinant pour Terminator), de Yukito Kishiro (qu’il n’a jamais mis en avant lors de la promotion d’Alita Battle Angel), et de Thierry Cailleteau et Olivier Vatine (dont il reprit, consciemment ou non, une grande partie des éléments de la BD Aquablue pour ses Avatar, Cailleteau ayant d’ailleurs dénoncé avant sa mort le pillage par Cameron de certaines de ses idées) sur sa propre œuvre, on peut commencer à soupçonner une certaine question de mémoire courte, de mauvaise foi ou... d’ego. Bien sûr, toute oeuvre trouve ses sources dans des influences préexistantes et il serait totalement ridicule de chercher une oeuvre purement originale, sans la moindre trace d’influence. Ce qui est d’ailleurs souligné dans ce même livre par George Lucas au cours de son interview.



Une autre part intéressante est lorsque Cameron semble constamment (notamment lors de ses échanges avec le scénariste Randall Frakes) sous-entendre qu'il est l'unique maître aux manettes de chacun de ses films. À cela, un de ses interlocuteurs, Ridley Scott, lui oppose systématiquement son point de vue plus modeste de "directeur de multiples talents" en révélant notamment que bon nombre des meilleures idées derrière ses classiques Alien, le huitième ager et Blade Runner, n'étaient en fait souvent pas les siennes et résultaient plutôt d'une collaboration enrichissante avec des artistes tels que Dan O'Bannon, H.R.Giger, Douglas Trumbull, Syd Mead, Ron Cobb, Rutger Hauer ou David Webb People. Quand Cameron lui demande ce qui lui a donné l’idée de faire du protagoniste d’Alien une femme, Scott souligne immédiatement qu’il s’agissait d’une idée d’Alan Ladd Jr, le directeur de la Fox d’alors, et que lui même ne résonnait pas en termes de sexisme pour savoir si oui ou non choisir une femme comme protagoniste sonnerait comme une révolution du genre. Plus loin, lorsqu’ils s’entretiennent sur l’apparence du xenomorphe, Scott avoue que c’est Dan O'Bannon qui lui a montré le Necronom IV de Giger. Et lorsqu’ils évoquent le tournage de Blade Runner, Cameron semble s’étonner (peut-être bien juste pour la forme, interview oblige) d’apprendre que c’est Rutger Hauer qui a écrit la réplique finale de Roy Batty (une anecdote pourtant connue de bon nombre de cinéphiles), ce qu’explique en détails Ridley Scott.



Bien sûr, il existe une différence essentielle entre les cinéastes que sont Scott et Cameron. À la différence du premier, Cameron écrit ses scénarios.

Certes, mais entre écrire un script et réaliser un film il y a tout un monde d'artistes, d'artisans, de spin doctors, d’exécutifs et de techniciens de toutes sortes qui intervient entre les deux phases du processus. Le réalisateur est généralement le garant d'une vision d'ensemble qu'il porte jusqu'à parvenir à la formaliser à l'image mais ce n'est pas pour autant que les meilleures idées visibles dans le résultat final viendront toutes de lui. Ce serait comme croire que Carpenter aurait pu faire The Thing sans l'aide de Rob Bottin, que Tim Burton a tourné lui-même les scènes d'action de son Batman (alors qu’il s’agissait de Peter McDonald) ou que Spielberg aurait pu formaliser Jurassic Park sans les apports de Dennis Muren, Phil Tippett, Stan Winston et de leurs équipes.



Enfin, là où James Cameron semble un peu trop défendre l'idée purement égotique du réalisateur comme seul "auteur" de son film (et la conception bien française héritée de la Nouvelle Vague qu'un film est une œuvre d'auteur plutôt qu'une œuvre produite par une agglomération de talents dirigés par le garant d’une vision d’ensemble), qu'il occulte la participation de centaines d'artistes et designers à chacune de ses entreprises et sous-entend presque que ses collaborateurs n'étaient que des employés se pliant à ses seules idées, Ridley Scott lui, loin de sa réputation autoritaire et suffisante, semble donc prendre un certain plaisir à opposer son point de vue à son interlocuteur en défendant l’idée (purement logique) qu'un film, et bien oui, ne résulte pas de l'influence et du travail d'une seule personne.

On touche là à la fameuse question de la paternité de l'œuvre cinématographique, un film étant avant tout une vaste entreprise dépendant de l'apport artistique, technique et financier de bon nombre d'intervenants (scénaristes, concepteurs artistiques, décorateurs, infographistes, etc…), il se rapporte moins au travail solitaire d'un artiste-peintre ou d'un écrivain de roman et se rapproche plus de la conception d'une toile de maître, Hollywood se substituant depuis plus d’un siècle aux mécènes de la Renaissance. Et comme on sait que bon nombre de toiles de l'artiste florentin Raphaël lui furent durant des siècles attribuées par erreur (ou par omission) alors qu'elles avaient en fait été peintes par certains de ses élèves, rien ne nous prouve aujourd'hui vraiment qu'un réalisateur est le seul auteur de son œuvre (ne dit-on pas par exemple que c’est Kurt Russell qui a dirigé officieusement Tombstone ?). Et surtout pas, par exemple, que James Cameron puisse s'enorgueillir d'avoir tout fait, tout imaginé, sans que personne à aucun moment ne lui ait soufflé d'idées durant les phases de développement, ou que la réussite de ses films est a rapporter à son seul "génie" (régulièrement mis en avant par son producteur, feu Jon Landau, ironiquement principale bête noire de David Fincher sur Alien 3, film que Cameron a fustigé lors de sa sortie...).



En convient d'ailleurs indirectement le réalisateur et scénariste Alex Garland, lequel n'intervient pas dans ce livre (on se demande pourquoi : sur le sujet, il aurait eu beaucoup plus de choses intéressantes à apporter que Guillermo Del Toro par exemple…) mais qui s'est toujours insurgé contre l'idée ridicule de la "place centrale" du réalisateur. Dans une interview accordée au Mad Movies N°285 de Mai 2015, Garland évoquait ainsi des éléments de son film Ex Machina dont l'idée lui avait été proposée par quelqu'un d'autre : "C'est exactement le genre de choses pour laquelle, lorsque le film est sous le feu des projecteurs, le réalisateur est félicité. Et parfois il n'y est pour rien. C'est pour ça qu'à la fin du film, le générique ne commence pas par mon nom, mais par celui des comédiens.Et normalement le nom de Michelle (Day, la décoratrice du film à l'origine de plusieurs éléments du film) est censé apparaître dans les crédits déroulants, mais je l'ai mis dans les principaux crédits de fin. Je crois que c'est la première fois qu'elle voit son nom en aussi gros. Dans Dredd, elle nous a fait un superbe cadeau avec la scène du bain de Ma-Ma. (…) Et grâce à son idée, le chef opérateur, le réalisateur et le responsable des VFX ont construit l'une des meilleures séquences du film. Sans Michelle, cela n'existerait pas. C'est pour ça que j'essaye de donner à ces gens ce qui leur est dû. Si je ne le fais pas, j'ai l'impression de ne pas les respecter. Et je vois plein de réalisateurs qui s'arrogent la responsabilité de choses qui ne viennent tout simplement pas d'eux."



De même que Paul Verhoeven s'amusait des critiques trop intellectuelles qui prêtaient parfois à ses films (Le Quatrième hommeRobocop) des intentions qu'il n'avait pas au moment du tournage, Garland rappelait ici humblement qu'un réalisateur n'est en aucun cas l'artiste démiurge que certains critiques de cinéma semblent vouloir en faire et que cette image, héritée d'Hitchcock, de l'aura mythique du 2001, l'Odyssée de l'espace ou de l'Orange mécanique de Stanley Kubrick et de la Nouvelle Vague française, est encore délibérément entretenue par certains réalisateurs tels que Cameron. Lire la seule interview de Ridley Scott par James Cameron dans ce livre éclaire pourtant parfaitement les propos de Garland. Pendant l'essentiel de l'entretien, Cameron s'évertue à flatter Scott en lui donnant dans ses questions le crédit complet de la réussite de ses films AlienBlade Runner ou encore Gladiator (?). Et Scott semble quelque part s'am à prendre systématiquement le contrepied de son interviewer en précisant humblement que tel élément sur Alien ou sur Blade Runner ne venait en réalité pas de lui mais d'un de ses collaborateurs. "Vous avez eu une idée géniale là !" "Ce n’était pas moi, c’est... qui en a eu l’idée". En comparaison, Cameron, lui, n’évoquera pas beaucoup l’apport de ses collaborateurs. C’est à peine s’il évoquera par exemple quelques influences comme celles de Robert Heinlein avec sa nouvelle Vous les zombies (superbement adaptée au cinéma par les frères Spierig avec leur film Prédestination).


Bien sûr, les fans de Cameron (dont je fais pourtant partie) ne désacraliseront jamais leur idole. La presse en a depuis longtemps donné l’aura d’un réalisateur démiurge contrôlant tout et tout le monde sur ses films, mettant tout ce qui vient de lui à l'image. Mais plus objectivement, et sans se laisser tromper par l'iration que l'on a de certains films du cinéaste (Aliens, Abyss et ses deux Terminator restent pour moi quatre des plus grands films du genre), il faut peut-être rappeler que James Cameron a depuis longtemps développé une tendance à se disperser dans des entreprises qui parfois ne tenaient plus du cinéma.

Une sorte de mégalomanie ? Ou peut-être est-ce du simple opportunisme financier ?

En ce sens, que l’on soit croyant chrétien ou non, il est curieux de revoir ce documentaire The Lost Tomb of Jesus (La Tombe de Jésus en vf) réalisé par Shimcha Jacabovici en 2007 avec le concours de Cameron, et lors duquel le réalisateur de Titanic se félicitait d'avoir financé des fouilles et identifié le Tombeau du Christ comme étant celui de Talpiot à Jérusalem, découvert en 1980. Il fallait alors voir sa conférence de presse de l'époque où il clamait triomphalement sur une scène, devant un parterre de journalistes bien évidemment triés sur le volet, avoir découvert la dépouille de Jésus Christ et de sa famille ("Nous sommes fiers de pouvoir aujourd'hui apporter la preuve physique de son existence", "Certains diront que nous essayons de saper le christianisme et c'est très loin d'être le cas.", "Nous célébrons aujourd'hui la véritable existence de cet homme qui, il y a 2000 ans, a eu une vision et l'a propagé..."). C'en était fait. JC avait retrouvé JC. Et avait par là même, selon son ambition, répondu à ce qui constitue un des plus grands mystères de l'histoire depuis 2000 ans. Bien sûr, Cameron n'a en rien découvert la tombe du Christ. Il s'agissait d'un vulgaire coup médiatique rapidement condamné par toute une flopée d'archéologues, historiens et bien sûr théologiens qui dénoncèrent le documentaire, à raison (renseignez-vous et étudiez leurs arguments), comme "du sensationnalisme sans aucune base ou appui scientifique", les archéologues ayant depuis prouvé par l'ossilegium et les études sur l'Ossuaire de Silwan que les affirmations de Cameron et Jacabovici étaient totalement erronées. Cela ouvrit d'ailleurs sur un énorme procès contre le riche collectionneur Oded Golan, propriétaire de l'Ossuaire de Silwan et accusé d'usage de faux, procès qui dura jusqu'en 2012 jusqu'à l'acquittement du millionnaire mais qui aboutit à la révélation de tout un pan de la supercherie.

Est-il besoin d'ajouter que James Cameron n'a pas été inquiété, qu'il est désormais bien difficile de trouver des vidéos de la conférence qu'il a donné en 2007 et que, étrangement, il ne s'en ait plus jamais vanté depuis, préférant alors se lancer immédiatement dans la réalisation du premier Avatar ?

Enfin, rappelons aussi cette façon qu'a eu, il y a deux ans, le cinéaste de se ruer sur les médias pour y aller de son petit mot d'expert (oui, on sait qu'il est descendu au fond la fosse des Mariannes, il est génial...) lors de la tragédie du submersible Titan en proclamant qu'il avait su "avant même tout le monde" que l'engin avait implosé et que les autorités ne l'avaient pas écouté (aurait-il préféré que les secours arrêtent alors les recherches sur la seule base de son hypothèse ?).



En connaissant cette tendance à l’égotisme de James Cameron, on peut facilement observer sa propension à s'attribuer la paternité exclusive de chacune de ses œuvres. Après tout, si l'on étudie objectivement la vie du cinéaste (et non en tant qu'irateur prêt à le défendre parce qu'il a réalisé des films qu'on adore), on ne peut fermer les yeux sur le fait qu'il a "oublié" de mentionner William Wisher au scénario du premier Terminator, qu'il a insulté Harlan Ellison de trente ans son aîné parce que celui-ci estimait que son Terminator était très inspiré (plutôt à raison) de deux de ses écrits ("Ellison ne mérite même pas de m'embrasser le cul", a-t-il gentiment dit à propos d'un écrivain qui, rappelons-le tout de même pour ceux qui l’ignorent, reste un auteur essentiel de la science-fiction littéraire et télévisuelle hélas peu connu en ), qu'il a sous-crédité Yukito Kishiro sur son Alita Battle Angel (à aucun moment de la promotion du film, Cameron n'a vraiment mis en avant le manga original Gunnm dont il a acquis les droits d'adaptation au début des années 2000), alors même que son scénario du film n'invente rien, il est totalement pompé, à peine réorganisé, sur celui du mangaka. Il faut aussi voir comment son producteur, Jon Landau, en rajoutait à chaque fois une louche sur le "génie visionnaire" du cinéaste. Alors certes, le réalisateur d'un film est garant d'une vision, d'autant plus s'il en est, comme Cameron, le scénariste. Car c'est bien le réalisateur, quand il n'est pas simplement un yes (wo)man à la solde de Disney ou Warner, qui est censé donner un sens à l'œuvre qui est produite. Mais à aucun moment dans cette Histoire de la science-fiction, James Cameron ne met en avant l'importance du travail de ses collaborateurs tels que William Wisher (le "pote" qu'il est pourtant allé chercher à la rescousse pour écrire son Terminator 2 dans les temps), James Horner, Brad Fiedel, Stan Winston, Russell Carpenter (qui ont pourtant grandement contribué à l'identité artistique de ses films). Et ne parlons même pas de sa mésentente avec Alan Silvestri sur Abyss, le compositeur italien ayant la réputation d'avoir un sacré caractère, l'entente entre les deux hommes fut loin d'être cordiale et ils ne travaillèrent plus jamais ensemble. La réussite d'Abyss tient pourtant aussi à la qualité de sa superbe BO, une des meilleures du compositeur. Bref, il n'est donc pas étonnant de voir qu'une bonne moitié du livre est entièrement dédié au "génie" du réalisateur de Terminator là où il aurait pu mettre aussi en évidence ses collaborateurs, le scénariste Randall Frakes nous gratifiant d'ailleurs d'une très longue et déférente analyse de l’œuvre du cinéaste (rappelons qu'à trop lécher le cul Randall, on se coince parfois la langue).



L'ego de Cameron mis de côté, le livre s'apprécie donc surtout pour les interventions de réalisateurs habituellement difficiles à approcher (Steven Spielberg, George Lucas) et sur le point de vue qu'ils apportent pour éclairer un genre au demeurant grandement sous-exploité sur grand écran. Si Christopher Nolan tend quelque peu à manifester la même suffisance que Cameron en se félicitant de la complexité (toute relative et parfois complètement superficielle) de son œuvre ainsi que de la dimension prétendument réaliste de son Interstellar (il est apparemment le seul homme à avoir visité l'intérieur d'un hypothétique trou de ver pour pouvoir affirmer que la vision qu'il en donne, grâce à l’avis d’experts sur quelque chose de, rappelons-le, théorique, est réaliste…), et si les propos de Spielberg, tout génial et modeste qu'il soit, n'apportent pas beaucoup d'eau au moulin de la SF et frôlent parfois même le hors-sujet (tout le age sur Les Dents de la mer n'a rien à foutre là tant le film se rapporte plus au Fantastique qu'à la SF), ce sont surtout les interviews de Ridley Scott et de… George Lucas qui se révéleront riches d'enseignements, ce dernier se révélant contre tout attente, plus humble qu'on aurait pu le croire et s'intéressant finalement moins à l'aura populaire de ses Star Wars qu'à la dimension ethnologique qu'il a souhaité conférer à ses œuvres. ionné d'anthropologie et de mythologie comparée (d'où son obsession pour le travail de Joseph Campbell), Lucas se révélera finalement plus érudit qu'attendu et apportera au lecteur un éclairage nouveau sur sa conception de la SF et sur l'importance que peut revêtir ce genre pour l'humanité.



Quant à Guillermo Del Toro, on se demande un peu ce qu'il vient faire là, tant sa filmographie se réclame bien plus du Fantastique que de la SF et que son Pacific Rim, tout spectaculaire soit-il, n'a toutefois rien d'un chef d'œuvre. Il aurait été plus pertinent de donner la parole à un Paul Verhoeven qui, même s’il n’aime pas vraiment la SF, a nettement plus contribué au genre que ne l'a fait Del Toro. Mais le réalisateur mexicain de Mimic étant ami avec Cameron depuis leur rencontre autour d'un barbecue dans les années 90, il est fort possible que ce dernier lui ait proposé une place de choix dans son émission quitte à friser parfois, là encore, le hors-sujet. Dès lors, Del Toro reviendra essentiellement sur la dimension lovecraftienne de la plupart de ses films ainsi que sur l'influence primordiale qu'aura eu l'œuvre du Maître de Providence sur le genre de la science-fiction. Des nouvelles telles que L'Appel de Cthulhu ou Les Montagnes hallucinées (que Del Toro s'est efforcé pendant plus de dix ans à adapter à l'écran, un temps avec l'appui de Cameron) sont quant à elles à la source de son amour immodéré des monstres, l'écran de cinéma ayant comme intérêt de traduire en images ce qui restait par nature indicible dans les écrits de Lovecraft.



Enfin, le livre se clôt sur un entretien entre les deux amis de longue date que sont Cameron et Schwarzenegger. Les deux hommes y dissertent surtout sur les avantages et les dangers des avancées faîtes avec l’intelligence artificielle, l’impact sur le monde futur du travail, et les défaillances possibles d’une technologie à laquelle on pourrait entièrement faire confiance. Ainsi, Cameron demande à l’ancien gouverneur Schwarzenegger s’il serait prêt à expérimenter, si on lui en faisait les démonstrations satisfaisantes (pourquoi pas jeter un flingue aux pieds d’un ED-209 ?), une "machine officier de police". Ce à quoi Schwarzy répond par l’affirmative avant que s’ensuive un bref argumentaire sur l’automatisation, les pertes d’emplois qui en résulteront et la nécessité de trouver un moyen de reconvertir le rôle des humains parallèlement à cette émergence de l’IA.



Bref, ce copieux pavé superbement mis en pages par Mana Books et agrémenté de très belles photos de production et de croquis de jeunesse de Cameron (dont certains pour son court-métrage Xenogenesis) est un bel objet-livre et se parcourt non sans déplaisir du moment qu’on arrive à faire abstraction du trop plein de mérites de Cameron et qu’on ne s’attende pas non plus à l’étude la plus poussée du genre de la Science-fiction. Les cinéphiles y trouveront de quoi nourrir leur iration pour les œuvres évoquées et les réalisateurs interviewés. Quant aux lecteurs/spectateurs assidus de SF, se désolant que certaines œuvres essentielles du genre soient systématiquement ées sous silence (même par les "plus grands" d'Hollywood) et n'aient toujours pas bénéficié de leur adaptation sur grand écran (à l'inverse d'un Dune, déjà trois fois adapté à l'écran sans tout à fait rendre justice à la complexité de l'œuvre d'Herbert, qu’attend-on pour adapter le Hypérion de Simmons ?), ils feuillèteront tranquillement ce superbe petit pavé en papier glacé. Ceci avant de reprendre leur lecture du Dieu venu du Centaure de Philip K. Dick qui faillit lui aussi être adapté un jour à l'écran... par John Lennon.


(Critique écrite il y longtemps, très longtemps... mais pas trop quand même. Dans un endroit lointain, très lointain... mais juste à cinquante bornes)

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Buddy_Noone

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