Kamel Daoud remet dans la lumière des années noires pour l'Algérie, pour les algériens, années qui ont marqué durablement la société algérienne et dont les conséquences, en Algérie, en et dans le monde continuent de se faire sentir.
Le roman, car c'est une fiction, qu'elle qu'en soit l'inspiration, décrit par la voix intérieure, muette, d'une victime de ces années là la complexité d'une société qui se remet difficilement d'un tel traumatisme. Aube, la narratrice, vit comme elle peut sa jeunesse et sa liberté, coincée entre le souvenir marqué dans son corps et une société qui la nie et l'opprime. La quête qu'elle entreprend, vers le souvenir, vers une forme de vérité est poignante et est l'occasion par la rencontre d'un chauffeur un peu fou, fils de libraire, continuant de vendre des livres... de cuisine, d'évoquer d'autres drames que ceux d'Aube, de dresser un portrait plus large de ces années d'horreur. La 3ème partie est plus difficile à suivre et peut être un peu plus "1er degré".
Pendant ces années 90-2000, les intellectuels, de l'universitaire au libraire, les journaliste, les artistes, y compris amateurs, les patrons de bar, les femmes, quelles qu'elles soient, ont été pourchassés, violentés, tués, contraints à l'exil et à l'opprobre. Et la loi de réconciliation met une chape de plomb et la garantie de l'oubli des exactions sur cette période.
Il est salutaire que des écrivains comme Kamel Daoud ou Yasmina Khadra parlent et écrivent sur cette période. Néanmoins, j'aurais aimé que le rôle des militaires, de l'état algérien soit plus évoqué, car ils ont joué aussi la partition des terroristes, en accumulant également massacres, exactions, mensonges et emprisonnements arbitraires. C'est pour cela d'ailleurs surement que cette loi est si bien appliquée. Elle sert toutes les parties en présence dans ces années de conflit.
Je conseille la lecture de cette œuvre romanesque, à chacun ensuite de se faire son opinion.