de la gnose
Lexique et grammaire ultra-conceptuels, jargonnant à l'excès, spéculatifs. Lire Heidegger c'est entrer dans une bulle spéculative en perpétuelle expansion au fil des pages. Être et Temps s'apparente...
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le 6 mars 2020
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« Sans affronter la question de l’être la pensée humaine est condamnée à se mouvoir dans un réel contingent »Il est essentiel de se confronter à ce texte. Autrement, on ne se repère que trop vaguement dans l’historicité de la philosophie et de la métaphysique. Être et Temps de Heidegger n’adresse pas seulement le problème ontologique du Dasein, ce texte est un pivot dans la pensée occidentale, en ce qu’il restitue une question qui a complètement échappée à la réception platonicienne de l’être et s’est davantage incarnée dans la pensée orientale chez les neo-platonicien de Perse. Sans cette confrontation, la philosophie occidentale ne peut qu’avancer dans une obscurité de plus en plus dense, mal armée pour appréhender ce qui la fonde.Ce n’est pas pour rien que ce livre est le plus beau texte de philosophie jamais écrit, ce n’est pas tant pour la beauté du texte, illisible entre tous, que parce qu’il occupe cette place dans l’historicité de la philosophie continentale : c’est son chant du signe. Après le Sein und Zeit, il n’y a plus de philosophie au sens propre, il y a une rupture radicale, une rupture ontologique. Il y a ce que Foucault qualifiera plus tard dans Les Mots et les Choses de « rupture épistémologique » : la science humaine, la philologie, la sociologie, toutes ces disciplines qui prendront place dans l’étude des phénomènes humains en ignorant désormais la question fondamentale de l’être en tant qu’être. À partir de ce moment-là, la question métaphysique, celle de l’être, disparaît de la réflexion philosophique pour être absorbée dans une analyse de l’humain, une analyse de la société et de la culture, du genre, de la race, de la classe sociale, de la société, etc. Tout ce qui vient après la rupture épistémologique qu’a entrevue Foucault se met dans un réel contingent et est le produit d’une vision systémique et réitérative du monde. Hélas, qui se pose encore la question de l’ontologie fondamentale ? On préfère s’interroger et faire de son absence nos nouvelles « sciences ». Foucault lui même refusait de se qualifier de philosophe et se décrivait à juste titre comme un philologue. Les mots ont un sens. Et que dire aujourd’hui des escroqueries intellectuelles qui font usage du mot « philosophie » pour donner du crédit à leurs opinions ? Jamais la nuit n’avait été plus obscure pour l’intelligence. Sommes nous pour autant livrés à un désert de glance dont nuls feux ne signale l’horizon ? La pensée qui émerge après Heidegger, à travers ses épigones et ses héritiers, est une réflexion qui prend la question de l’être comme point de départ tout en la réarticulant avec les enjeux contemporains, souvent en lien avec la technique, et par extension, la cybernétique. On retrouve cette pensée chez des auteurs comme Elul, Derrida, Stiegler, ou même dans des mouvements plus obscurs comme ceux autour de la nébuleuse Tiqqun / Comité Invisble et de la revue Lundi Matin. Toutes ces pensées se confrontent à la rupture épistémologique qui à court dans les années 60 et dont on peine à saisir les contours aujourd’hui sans se référer à Heidegger : il s’agit de s’interroger sur les implications de l’être dans un monde saturé de systèmes. Comment l’être, ce principe fondamental de notre existence, se manifeste-t-il dans un monde qui se structure selon des logiques cybernétiques ? Assez étonnant que personne n’y revienne dans les débats sur l’intelligence artificielle et la cybernétique. Il reste des penseurs comme Éric Sadin, Barbara Stiegler, Mehdi Bellaj Kacem, Baptiste Rappin. Jean Vioulac. L’espoir est mince, mais il persiste. Cependant qui lit encore Heidegger en possédant les bons pré-requis philosophiques ? C’est un texte dont on se moque dans les universités publiques. Et encore faut-il avoir la bonne traduction du texte. Car il ne suffit pas de lire Être et Temps comme Sartre. Sartre n’a absolument rien compris au texte et tout l’existentialisme découle d’une interprétation grossière de cette œuvre. Cela n’est pas sans conséquences. Mal lu ce livre peut conduire au pires dérives intellectuelles qui puissent exister. Ce n’est en rien comme on voudrait le croire un texte nihiliste, athée et on aurait tord de le jeter au feu avec les Cahiers Noirs. Il faut y pénétrer à travers les bons concepts. Cela devient presque une condition préalable pour comprendre les ramifications de ce texte obscur au possible. Il faut se tourner vers ceux qui ont su traduire non seulement les mots, mais aussi l’essence de ce que Heidegger nous a légué. Pour ça, cette traduction est parfaite, mais limitée puisque le langage en lui même se heurte à l’impossibilité de recouvrir la question fondamentale de l’être. Il est essentiel de se tourner vers Henri Corbin, qui, mieux que quiconque, a su saisir l’intention d’une ontologie totale chez Heidegger. Leur relation, née de leur rencontre à Fribourg, a donné lieu à une correspondance riche, notamment entre 1930 et 1941, reflétant une amitié profonde et un échange intellectuel constant. Il faut impérativement réhabiliter Corbin. Comment un philosophe qui a joué un rôle clé dans la diffusion de la pensée heideggérienne en , traduisant des œuvres majeures et organisant des rencontres qui ont renforcé les liens entre l’Allemagne et la se retrouve à ce point ostracisé de la question Heideggerienne ? Il est parfaitement impensable qu’on se e de sa traduction ou même de ses notes pour relire Heidegger aujourd’hui. Il faut bien entendu lire cette traduction ( car l’autre est à jeter ) et surtout lire les travaux de Corbin, les articles sur le site des amis de Henri Corbin, les entrevues, son cheminement de la phénoménologie à la mystique orientale. Toute la vérité se trouve à cet endroit, et c’est une vérité salvatrice. Lisez Heidegger, mais lisez Henri Corbin. Autrement ce texte est totalement inaccessible.
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le 29 mars 2025
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