Désert solitaire par madamedub
Edward Abbey découvre les paysages du Grand Ouest américain via les westerns de son enfance. Dès lors ces images d'étendues sauvages et naturelles ne cesseront de le poursuivre. "Désert solitaire" est l'une des grandes œuvres de cet auteur, avec "Le gang de la clef à molette", grand écrivain du natural writing, et inspirateur du mouvement Earth First!On peut s'étonner qu'Abbey n'ai pas eu le même auditoire en , où le mouvement de l'écologie est plus récent, et n'a pas connu la même ampleur et le même développement. L'auteur qui nous occupe ici est muté comme ranger dans le Parc National des Arches, à l'aube des mutations du tourisme industriel.C'est l'occasion pour lui d'évoquer toute la puissance du désert, intransigeant, brûlant, aride, mais pourtant si fragile: à l'heure des parkings, des circuits touristiques et de la construction par l'homme d'une nature artificielle qu'il voudrait appeler "protégée".... Car effectivement, la frontière est mince, nous rappelle Abbey, entre la préservation et l'artificialisation, entre l'universalisation comme élan pour ouvrir le parc à tous, et sa destruction en le rendant "inoffensif", ce que précisément la nature n'est pas... Car l'auteur relate sans transiger toute l'âpreté et l'ingratitude du désert; lorsqu'un photographe ionné est retrouvé mort de soif sous un genévrier, ou encore dans ce chapitre particulièrement intéressant où Abbey part à la recherche d'un mystérieux cheval sauvage, qu'il retrouve errant, pareil à une ombre décharnée du sculpteur Giacometti... Mais c'est précisément cette nature sauvage et sans comion dont Abbey se fait le défenseur et le narrateur... Sans jamais sombrer dans la misanthropie ou dans l'aigreur, il nous relate ce désert si féroce et pourtant si fragile.On ne peut que saluer les éditions Gallmeister de rééditer cet ouvrage essentiel.
EB