" La poésie ne doit pas périr. Car alors, où serait l'espoir du Monde ? " Léopold Sédar Senghor
" J'ai voulu montrer l'homme spiritualiste étouffé par une société matérialiste " (extrait de la préface)
Il y a longtemps que je voulais lire cette pièce ; et je suis ravie d'en avoir enfin trouvé l'occasion (merci les vacances).
Le sujet de la pièce, avant même de l'avoir lue, m'intéressait déjà.
J'ai toujours été fascinée par la figure du "poète maudit", de l'artiste qui refuse de sombrer dans le mercantilisme, le matérialisme et l'individualisme de la société corrompue par les valeurs bourgeoises.
Alfred de Vigny nous présente un jeune poète désargenté, Chatterton, qui anticipe l'image du poète maudit : solitaire, il habite une petite chambre chez un riche industriel, refuse de s'avilir en travaillant, veille tard le soir pour écrire et consomme de l'opium. On ne peut que s'attacher et compatir à la situation du jeune poète, dont on sait dès le premier acte que l'issue sera fatale. Parce qu'il élève la poésie, l'imagination, la méditation au-dessus de la raison, du travail et de l'argent, parce qu'il rejette les valeurs prônées par la société de son temps, le jeune homme verra son génie créateur entravé par la précarité de ses conditions de vie et sombrera peu à peu dans le désespoir.
Le plus dur est de constater qu'à aucun moment de la pièce les différents pouvoirs de la société (économique, politique, social) ne percevront la poésie autrement que comme une lubie vaine, inutile et peu rentable. Ce qui ne sert pas leurs intérêts n'est pas digne de reconnaissance ; et en agissant ainsi, ce sont bien eux qui tuent Chatterton et de manière plus générale, la poésie. Le poète en proie au rejet, aux hostilités, aux humiliations répétées de ses semblables ne peut que vouloir "sortir raisonnablement", autrement dit, recourir au suicide.
Bien que le statut des artistes soit un peu différent de nos jours, l’œuvre n'en a pas moins des résonances modernes.
La pièce est ainsi une belle défense de la condition de l'artiste, qui pour s'épanouir doit disposer de deux choses essentielles : "la vie et la rêverie ; le pain et le temps." Le poète est présenté comme un individu rare, un génie que la société se doit de protéger..
En somme, je vous recommande cette œuvre qui en plus d'être très agréable à lire, est un cri du cœur pour la survie de la poésie.
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