Automne allemand est un court livre qui reprend une série d'articles écrits par Stig Dagerman, envoyé comme reporter dans l'Allemagne de 1946, qui se relève de ruines encore fumantes. L'auteur est allé un peu partout : à Munich, dans le Nord industriel détruit, dans les petites villes...
C'est un peu comme Kapuscinski : des bouts de vie choc tellement poignants que la question de la véridicité se pose. Il reste la vérité derrière, pleinement visible.
Il y a de belles envolées lyriques sur le froid, la mort, les ruines. On voit que c'est quelqu'un du Nord qui écrit. Ce livre vous fera grelotter : je recommande de le lire en août.
Divers sujets sont abordés : évidemment les terribles conditions matérielles que vivent les populations, avec ces images de personnes vivant dans des sous-sols à moitié inondés au milieu d'objets en fer désarticulés. Et le contraste avec les troupes alliées, notamment américaines. Stig Dagerman s'interroge sur le quotidien de ces populations, avec ces familles complétement déstructurées, ces êtres évoluant seuls au milieu de décombre, obsédés par le trafic de nourriture, et à qui on demande de se découvrir démocrates.
Il y a aussi la leçon que tirent les populations de cette défaite, et la manière dont est soldé le é nazi. Le constat de Dagerman est amer : les Allemands sont furieux contre Hitler, mais pas pour ce qu'il a fait ; plutôt pour la situation dans laquelle il laisse l'Allemagne. Plusieurs articles suivent des Spruchkammersitzung, ces procédures sommaires dans laquelle le é d'anciens SA, membres du parti etc... ent en jugement et s'en tirent avec des amendes ou des mesures de réparation symboliques... L'auteur en reproduit bien l'ambiance iréelle, comme au sortir d'un mauvais rêve.
Et puis la question du devenir de cette Allemagne, avec de nombreuses questions connexes : la grande précarité dans laquelle arrivent les Allemands d'Europe de l'est, définitivement coupés de leur ancienne résidence ; de même, les conditions terribles, morales, physiques et sociales, dans lesquels les déportés des camps de concentration reviennent. Par contraste, la manière dont d'anciens profiteurs de guerre spécialistes du marché noir s'en tirent insolemment. Ou encore les élucubrations des écrivains allemands, qui sans empathie s'extasient sur la révélation qu'est la guerre et autres balivernes.
C'est d'ailleurs sur la question du rapport entre souf et littérature que se clôt le recueil, ce qui est tout sauf un hasard. Non pas modestement, mais en se regardant sans complaisance, Dagerman interroge son statut de voyeur, et l'aspect dérisoire de sa démarche, qui essaie tant bien que mal, à travers des choses vues, des destins individuels, des conversations croisées, de capturer la détresse dans laquelle l'Allemagne émerge de la guerre.
Un livre court et frappant, je recommande.