Qu’ajouter à une œuvre se suffisant à elle-même qui devrait imposer silence, à moins que le silence soit trop pesant, et donc qu’il faille combler les blancs, une œuvre par et pour le silence, plongeant dans la circonspection, le lecteur, soucieux de savoir, de connaître de l’intérieur, l’intériorité brisée d’une victime de l’extermination dure, de la mise à mort concentrationnaire, je veux parler d’une femme, une résistante, même pas juive mais qui partagea le destin catastrophe du peuple juif pendant la seconde guerre.
Être sans destin, comme titrait Imre Kertész, c’est perdre le choix de sa destinée, en perdant la vie, quand un peuple génocidaire, voisinage, cousinage, amical hier, ennemi aujourd’hui, décida de sa mise à mort, à sa place. Qu’il décida de sa mort, à la place de la mort elle-même, qu’il diffusa la mort. On pourrait titrer Aucun de nous ne reviendra, si la paraphrase n’était pas malvenue, Destinée au non-être, reprenant les termes de l’écrivain hongrois.
Littérature concentrationnaire, n’est pas que cela, mais également extermination de la parole, de l’espoir, de la parole d’espoir et de l’espoir parlant. Car point de sons d’oiseaux, en guise d’espoir, seulement une tulipe, poussant devant la maison de l’Oberkampf, comme la nature est cruelle, comme elle est ironique.
Le style se veut clair, parfois il est interférant, comme une faute syntaxique, bug dans la matrice, cette machine de la colonie kafkaïenne, vorace de corps et d’âmes, avalant des êtres et régurgitant des morts, tous, d’ailleurs, pas exténués.
Il y a un avant et un après, on ne peut décemment pas tolérer n’importe quoi, et la littérature ne justifie pas tout, elle justifie qu’on ferme un peu sa gueule, surtout avec le talent de Delbo, sa prose poétique, mortelle, pour nous dire de se taire, qu’on ne peut pas dire l’imprononçable, que le silence est le refuge de la douleur, que la souf est toujours celle d’un corps martyr, taiseux.