Ce n'est pas un livre facile. Le style réclame un véritable effort pour ne pas perdre le fil, mais heureusement ce n'est pas un récit bien long. Vite, très vite, on comprend qu'il s'agit là d'une œuvre importante : Par la profondeurs et l'honnêteté des réflexions dans lesquelles nous sommes entraînés.
Ce n'est un roman ni d'aventure ou d'action, ni fantastique ou de terreur dans lequel on se plonge pour se divertir.
Au cœur des ténèbres est un livre dur et noir, où l'on touche ce que peuvent endurer ceux qui ont consentis à l'isolement dans l'inconnu, réclamé par la folle expansion de la société occidentale.
Il y a la distorsion du discours à la réalité, l'exotisme pesant du colonialisme, l'insidieuse ouvrage des intensions réelles qui marchent à couvert : Le choc des naïves attentes individuelles contre les intérêts supérieurs des nations en compétition... Quoique ce soit encore plus absolue que cela : Un essai, un témoignage sur les assauts du réel sur la raison humaine...
Je sens qu'on viens souvent, dans nos lecture, valider, consolider, ce qu'on sait, qu'on intuite soit-même du monde... Là, Conrad va un peu plus loin pour nombre d'entre nous. Contrairement à ce que le style pourrait suggérer, on ne subit aucune condescendance manipulatrice de l'auteur. C'est le partage honnête d'une réflexion profonde en terrain obscur. Et pour moi, les 15 dernières pages sont magistrales : Si le style s'était fait pesant par moment, il démontre toute sa puissance sur ce finish inoubliable.
A lire absolument pour finir de se désillusionner, pour devenir plus indulgent avec ceux qui ont été exposés, aux frontières obscurs, loin du cœur radieux et confortable sociétés lumineuses.