Je découvre Guy Boley, avec ce titre énigmatique mais joliment tourné: "Quand Dieu boxait en amateur". J'avais pointé ce titre dans une liste des Goncourt potentiels de 2018. Il en a été écarté en cours de finalisation de la liste, mais peu importe, pour le lecteur que je suis, l'obtention du prix ou non, j'avais envie de le lire ... il me manquait juste du temps.
Une fois ouvert, ce récit ne se quitte pas facilement. Il fait revivre une époque, celle de mon enfance, de ses rêves, de ses combats. De ses apprentissages, ses expériences. Le lecteur se retrouve dans ce travailleur forgeron, cette mère qui ne veut pas que son fils e pour mauviette, ce curé de paroisse qui veut faire tourner les caisses de la fête paroissiale et rameuter les âmes, ce fils qui surfe sur les mots de 68 sans trop se préoccuper des blessures qu'il inflige aux anciens. Ce monde qui se tricote et se détricote sur fond de dichotomisations excessives opposant les rôles de père et mère, père et fils, homme et Dieu, curés et ouvriers, vie et mort.
Guy Boley, dans son écriture légère, joue irablement avec ses oppositions, ces renvois d'un sens à l'autre, d'un point de vue à son contraire, d'un trait d'humour à une méchanceté profonde. L'opposition, parfois très poétique, semble un réservoir inépuisable d'expression de ces mondes qui s'opposent entre eux et, parfois en eux-mêmes. La question fondamentale restant la même: "Suis-je ce que je fais?"
Une première partie, très courte, pose un constat. C'est souvent à la mort de ceux qu'on aime qu'on réalise qu'ils avaient des rêves si grands. La deuxième partie, le corps même du récit nous offre à la fois le récit d'une amitié entre deux gosses, amitié qui restera forte, une fois adulte; mais aussi l'histoire d'une époque, de la vie d'un quartier populaire, des métiers d'alors et des distractions d'époque. Je ne suis pas certain que de jeunes lecteurs (je vous parle d'un temps que les moins de 40 ans ...) puissent réaliser la justesse et la rigueur de cette transcription de ce qu'étaient alors la vie, l'amour, la foi, la mort. Et c'est là qu'on devine enfin la force, le charisme, l'opiniâtreté et la finitude de cet homme, père, forgeron, boxeur et Dieu en même temps! En termes de contenu, derrière ces mots, il y a de quoi ravir les plus pointus amateurs du sens des choses.
Et puis, une troisième partie, de quelques courts chapitres, donne le sens profond de ce combat des dieux, ceux de la forge, de la scène, de la Foi, de la vie et, tout simplement de l'amour filial.
Un vrai, beau roman qui ranime des souvenirs, fait émerger du é enfouis et questionne le présent et l'avenir vers lequel nous voulons aller, ou pas!