L'interview impossible par Nina in the rain
Celui-là, je l'ai mis dans les pattes de mon cher et tendre et voici ce qu'il lui a inspiré :
Il y a des ouvrages qui, une fois la dernière page lue, vous font vous interroger « oui... et alors ? »
L'interview impossible est de ceux-là. Déjà, dans quelle catégorie le ranger ? Contrairement à Crise au Sarkozistan, on n'est pas dans la satire politique, cette présentation d'un régime sous la domination d'un potentat oriental qui faisait furieusement penser à la Cour, chronique du gaullisme dans le Canard Enchaîné des années 60.
Car il ne s'agit pas de l'interview du Héros tyrannique, mais plutôt d'un débat entre l'écrivain-journaliste et l'objet de sa parodie, le Président en exercice. Sauf que dans un livre d'échanges, en général, les deux parties opposées ont tenu les propos qui leur sont attribués. Dans cette interview, le journaliste a écrit à la fois les questions et les réponses. D'où l'impossibilité de considérer ce résultat comme un livre d'entretiens. Alors quoi, un pamphlet ? Oui bien entendu, mais dans le cas présent l'attaquant se tire une bonne douzaine de balles dans le pied avant même de pouvoir atteindre à la conclusion de son propos.
S'il s'agit d'une satire, la mesure du degré humoristique recherché doit atteindre des niveaux stratosphériques. Aucune référence parodique au Sarkozistan n'est faite, l'ensemble des réponses de « l'interviewé » auraient pu être proférées par le premier individu venu, pour autant qu'il soit vulgaire et grossier. Qui plus est, en ouvrant les premières questions sur les morts de l'affaire de Karachi, l'auteur jette un froid qui ne quittera jamais le lecteur.
Chacun connaît la rigueur professionnelle exigée par Daniel Schneidermann vis-à-vis de ses collègues journalistes. En présentant son texte sous la forme d'une interview réaliste, l'auteur ne fait rien d'autre que ce que PPDA avait réalisé avec sa vrai-fausse interview de Fidel Castro... encore que dans ce dernier cas, les réponses étaient bien de l'interviewé. Utiliser un procédé aussi peu éthique pour défendre l'indépendance des journalistes – car c'est quand même le seul sujet réellement développé sur lequel l'auteur revient avec obstination – est complètement contre-productif.
Pour le même but recherché, un journaliste rigoureux aurait pu réaliser un livre-documentaire sur le bilan des années Sarkozy, ou un romancier se serait attaqué à une œuvre polémique de fiction sous la forme d'un Dialogue avec Tryphon – un dialogue imaginaire avec un militant inconditionnel de l'UMP aurait été amusant. Cette Interview impossible n'appartenant au aucun des deux genres, cet ouvrage s'avère décevant et sans intérêt.