Cover Words (2025)

Words (2025)

Liste de

40 livres

créée il y a 4 mois · modifiée il y a environ 5 heures
Le Lutrin
6.8

Le Lutrin (1683)

Poème héroï-comique

Sortie : 1 août 2012 (). Poésie

livre de Nicolas Boileau

Paul_ a mis 5/10.

Annotation :

À partir d'une discussion anodine avec des amis, Boileau fait le pari d'écrire une épopée sur n'importe quel sujet, en l'occurrence la dispute entre le trésorier et le chantre d'une église sur le sort à réserver à un pupitre. Les intentions sont belles mais le bon vieux Régent du Parnasse semble moins en verve que dans ses truculentes satires. Le sujet, les allégories dont il fait un usage parodique donnent à l'ensemble une allure de pochade un peu vieillie.

Papillons de nuit dans l'empire de Russie

Sortie : 22 février 2003 (). Roman

livre de J.M. Prieto

Paul_ a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Une très belle trouvaille qui m'a d'abord attiré par son titre, nabokovien en diable. José Manuel Prieto est un universitaire et traducteur cubain spécialiste de la Russie, et son roman offre un pitch en or : le narrateur, contrebandier en Europe de l'Est, sauve une certaine V. de la prostitution et se met parallèlement à la recherche d'une espèce rare de papillon, le yazikus. V. lui écrira sept lettres auxquelles il voudra répondre dans les règles de l'art en s'appuyant sur des correspondances d'amants plus ou moins célèbres. S'il y avait tout pour se perdre dans cette intrigue, Prieto écrit un grand livre l'air de rien, racontant finalement très peu mais captivant par sa forme fragmentée et son portrait kaléidoscopique de la fascinante V., au gré d'allers-retours entre Istanbul et Livadia, une petite ville proche de Yalta. L'auteur a l'intelligence de ne jamais ou si peu révéler le contenu des lettres de V. pour broder autour et construire de vraies scènes où le sens du détail, les images fantaisistes et un jeu du chat avec le souris avec le lecteur font justement penser à Nabokov. Un roman unique et inclassable, à la fois journal de voyage, polar et anthologie de lettres d'amour, tenu par une maîtrise invisible et pourtant impressionnante.

.........

« À nouveau, je savais que je la délivrerais, que je l'emmènerais avec moi, que nous vivrions à Livadia. (Une ville où l'on n'a pas aimé manque de volume. Les immeubles d'Istanbul, à cet instant, avancèrent, enflèrent, acquirent une consistance pneumatique. Le chapiteau byzantin d'une maison attira mon attention, les motifs animaliers d'un linteau, témoin de la floraison de l'art des steppes dans toute l'Europe... Je l'aimais.) »

Bristol
6.6

Bristol (2025)

Sortie : 2 janvier 2025 (). Roman

livre de Jean Echenoz

Paul_ a mis 7/10.

Annotation :

En effet, non pas l'écriture d'une aventure, mais l'aventure d'une écriture. Echenoz utilise un scénario quelconque, celui du tournage d'un navet en Afrique, comme prétexte pour tisser un style amusant, ironique, stimulant, avec juste ce qu'il faut de méta, d'oralisant et de lexique chamarré (pellucide, annapurnien, melliflun, péritoine). Comme Chevillard ou Senges, Echenoz appartient à la famille des écrivains qui travaillent à l'échelle de la phrase. Au fil de ces très courts chapitres qui se boivent comme du petit lait, il fait mine de s'intéresser au sort d'un homme défenestré, assume le point de vue d'une mouche, dissèque l'imperceptible transition vue depuis un train entre la ville et la campagne. Et joue perpétuellement à l'équilibriste entre le récit d'une fiction et le dévoilement de ses échafaudages. On en vient presque à regretter qu'il raconte encore un peu quelque chose.

L'art et la maniere d'aborder son chef de service pour lui demander une augmentation
7.1

L'art et la maniere d'aborder son chef de service pour lui demander une augmentation (1968)

Sortie : décembre 1968. Roman, Théâtre

livre de Georges Perec

Paul_ a mis 6/10.

Annotation :

Cette fois, Perec se donne pour contrainte de traduire un organigramme et toutes ses possibilités. Malin comme toujours, il écrit son texte avec une seule phrase et sans ponctuation pour mieux mimer les méandres d'une istration absurde. Perec ménage d'infimes variations au sein de cette phrase et le savoir-faire est bien sûr toujours là, mais le résultat pour une fois m'a paru assez illisible et vain.

Odyssée
8

Odyssée

(traduction Victor Bérard)

Odýsseia

Sortie : 1924 (). Mythes & épopée

livre de Homère

Paul_ a mis 9/10.

Annotation :

On commence l'année en remédiant à une petite lacune... Comme pour L'Iliade, je suis bluffé par cet art de la narration absolument moderne : in medias res, ellipses, retardement de l'action (notre héros n'arrive pas avant le chant V), analepse et récit dans le récit à la première personne ! De même étais-je loin d'imaginer que la vengeance prenne une place aussi large (chants XIII à XXIV), et si elle peut rendre moins sensible la durée de l'errance qui précède, elle n'en reste pas moins épique en jouant sur l'attente et l'ironie tragique : en suivant Ulysse, le lecteur a toujours une longueur d'avance sur les prétendants. Le secours des dieux tue toujours un peu le suspense (l'invention du deus ex machina) mais leur mélancolie est aussi séduisante (Circé). Et bien sûr, la langue est un délice, entre les fameuses épithètes (« Nausicaa aux bras très blancs » ou « Mélénas le Vociférateur ») et d'autres images récurrentes : « les paroles ailées », les navires « chevaux de la mer », la « mer couleur de vin », le « vin couleur de feu », « la peur verte », les « hommes mangeurs de pain »... La traduction de Jaccottet n'hésite pas à rendre la répétition de ces formules, un peu comme le fait Markowicz chez Dostoïevski, étant donné qu'Homère lui-même, sacrifiant parfois le sens à la prosodie, se moquait d'interchanger régulièrement ses adjectifs. Après tout ça, forcément envie (et pas, en même temps) de relire Joyce.

.........

« Nous reprîmes alors la mer avec tristesse,
heureux d'être vivants, mais pleurant nos compagnons morts. »

« Mon père en son fauteuil sera assis, le dos au feu,
buvant son vin à petits coups comme les Immortels. »

Un cabinet d'amateur
7.1

Un cabinet d'amateur (1979)

Sortie : 1979 (). Roman

livre de Georges Perec

Paul_ a mis 8/10.

Annotation :

Dans la famille des Perec, je veux... le plus quintessentiel ? Ce fou furieux de Georges n'en avait visiblement pas fini avec La Vie mode d'emploi, alors il a décidé de la prolonger un peu pour mieux en faire le deuil (lui « dire adieu »). Avec le même traitement en abîme, mais en peinture : c'est l'histoire d'un tableau qui contient cent tableaux, dont le tableau en question — etc. Perec déploie donc derechef son attirail de faussaire avec des pastiches de descriptions de tableaux et de critiques d'art et surtout une invraisemblable profusion de noms qui nous fait douter en permanence de la vérité des référents. Ce n'est pas nouveau, l'érudition de l'écrivain est prodigieuse — il en faut pour contrefaire de manière aussi confondante — et je me demande si Perec à cet égard n'est pas l'écrivain le plus influent de la seconde moitié du XXème siècle. Il reprend en effet le flambeau du Flaubert de Bouvard et Pécuchet mais pour mieux éclairer tout ce courant des fictions encyclopédiques qui va lui succéder : Bolaño (qui en quelque sorte contrefait lui-même Perec dans sa Littérature nazie), Michon, Echenoz, Senges, etc. Si on en revient au livre, l'ensemble est peut-être inégal et la chute tombe un peu à plat mais mon plaisir quand je lis le « Perec romanesque » est beaucoup trop vif.

(Et il manque Les Onze dans le tableau !)

Une sortie honorable
7.4

Une sortie honorable (2022)

Sortie : 5 janvier 2022. Récit, Histoire

livre de Éric Vuillard

Paul_ a mis 7/10.

Annotation :

Vuillard vuillardise cette fois sur l'Indochine et la formidable collusion d'intérêts qui a préparé le terrain du désastre. Le travail de documentation est ahurissant pour exhumer et croquer la silhouette ainsi que la généalogie (le texte est sensible à la sociologie) de ces messieurs en costume. Heureusement que la plume de Vuillard est toujours haute en couleur parce que la satire confine parfois à un récit à charge qui confisque à ses personnages l'ambiguïté digne d'un roman (les jugements bien-pensants du narrateur et les scènes de scrupules artificielles). Mais il y a assez de choses ionnantes en soi à l'échelle du micro et du macro-stylistique : le « on » flaubertien, les ébats du é simple et du présent de narration, les variations dans la longueur de la phrase, le chapitrage et les ellipses.

.........

« Et il faudrait pouvoir regarder tout ça au moins une fois, une seule fois, bien en face, toute la masse d'intérêts, de fils les reliant les uns aux autres, froissés, formant une pelote énorme, une gigantesque gueule, un formidable amas de titres, de prorpiétés et de nombres, comme un formidable amas de morts, fixer ne serait-ce qu'un instant la vérité monstrueuse, comme on raconte que juste avant de mourir emporté par un ouragan, l'on verrait, le visage criblé de pluie, les yeux mordus par le vent, l'œil du cyclone. »

Double Assassinat dans la rue Morgue
7.6

Double Assassinat dans la rue Morgue (1841)

The Murders in the Rue Morgue

Sortie : 1856 (). Recueil de nouvelles, Nouvelle, Fantastique

livre de Edgar Allan Poe

Paul_ a mis 7/10.

Annotation :

C'était 8 si ne figurait aussi dans cette édition « La lettre volée », que j'ai trouvée un ton en-dessous. Les deux nouvelles sont un régal moins pour l'enquête que pour l'atmosphère, ces conversations (ou silences) entre amis, derrière des volets fermés, à fumer la pipe dans le Paris du XIXème... Parce qu'autrement, même si on assiste à la naissance du genre policier, ce verbiage pseudo-scientifique sur les facultés d'analyse chez l'homme fait un peu daté. Ce qui m'a surtout frappé chez Poe, comme dans Gordon Pym, c'est ce jusqu'au-boutisme dans la description, sans saut d'obstacle, cette foi en la littérature pour « faire voir » les choses. Et la traduction de Baudelaire pour rendre cela est évidemment impeccable.

Olimpia
6.4

Olimpia (2010)

Sortie : 2010 ().

livre de Céline Minard

Paul_ a mis 5/10.

Annotation :

Minard raconte donc la vie d'Olimpia Maidalchini, belle-sœur et maîtresse d'Innocent X, qui eut une telle influence sur le pontife qu'on la surnomma « La Papesse ». Le livre est séparé en deux parties inégales, d'abord une longue imprécation bien écrite mais souvent sibylline et un peu vaine, puis une sorte de notice biographique à la Michon. En citant Schwob en exergue, Minard veut faire valoir le droit de cité de la littérature par rapport à l'histoire pour faire le récit d'une vie individuelle dans toute sa subjectivité. Or la voix de « Pimpaccia » m'a parue bien lointaine et inaccessible (par l'époque et par la langue) et le choix du diptyque assez artificiel. Quand on sait que l'autrice l'a écrit alors qu'elle était pensionnaire de la Villa Médicis, le texte ressemble à une lubie de circonstance.

Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut
6.6

Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut (1753)

Sortie : 1753 (). Roman

livre de Abbé Prévost

Paul_ a mis 7/10.

Annotation :

Relu pour mes 1ères.

J'y retournai à reculons, mais c'est toujours un page-turner. Grâce au style indirect libre, au mélange des genres et à la vraisemblance des caractères avec cette Manon plus vraie que nature. Et l'Abbé Prévost annonce même certains romans du XXème avec ce narrateur peu fiable qu'est des Grieux. Sinon le Paris sous la Régence, ça avait l'air d'être un sacré bordel.

Le Médecin malgré lui
6.9

Le Médecin malgré lui (1666)

Sortie : 6 août 1666. Théâtre

livre de Molière

Paul_ a mis 7/10.

Annotation :

Pour mes 6èmes.

Les pièces de Molière sont toujours de petites friandises. Encore une comédie de mariage avec la marotte de la médecine, le mal du XVIIème siècle. Le rapport au sociolecte est délicieux et il n'obscurcit jamais la clarté irable des répliques. Et les différents registres du comique font beaucoup rire les élèves.

.........

« Qu'elle s'en garde bien ! Il ne faut pas qu'elle meure sans l'ordonnance du médecin. »

J'écris l'Iliade
7.7

J'écris l'Iliade (2025)

Sortie : 6 février 2025. Récit

livre de Pierre Michon

Paul_ a mis 7/10.

Annotation :

Bien pendue, la langue n'est plus aussi tenue. Michon doit être l'un de ces rares écrivains qui est meilleur quand il se prend au sérieux. Fait d'une alternance entre morceaux d'autofiction et réécritures mythologiques, tissés ensemble par cette belle idée d'une survivance des dieux parmi nous, ce texte, le plus long de l'auteur, donne lieu à une promenade plaisante, un batifolage lettré. Mais ce sont des fragments de style, de la littérature en morceaux, point de livre. La langue de Michon est toujours exceptionnelle et l'écriture du fantasme se transforme pour lui en une cure de jouvence où, comme chez Proust, Rebatet et tant d'autres, le désir revit plus fort sous la plume. Cependant, même si sa phrase est paradoxalement plus courte que dans les Vies minuscules, son style semble se diluer dans l'anecdote, la référence, l'hommage et surtout le dynamitage de son propre mythe. Michon se moque de ses thuriféraires, rit de ce qu'il aurait pu être, et il y a toujours quelque chose d'un peu triste à voir un roi devenir son propre bouffon. On peut saluer la tentative de renouvellement, et le livre n'est pas dénué de surprises mais il est comme plombé d'emblée par sa légèreté. Si J'écris l'Iliade survole toujours 99% de la production contemporaine, il n'est pas le second grand œuvre de l'auteur auquel on pouvait se prendre à rêver.

.........

« Ses fossettes sacrées étaient des cordes d'arc où les flèches s'encochent. »

Courir
7.6

Courir (2008)

Sortie : octobre 2008. Roman

livre de Jean Echenoz

Paul_ a mis 7/10.

Annotation :

Se lit aussi vite que Zátopek court. Un petit côté voltairien, pour l'ironie du narrateur et la candeur d'Emile. Le style d'Echenoz est toujours plus fin qu'il n'en a l'air, par exemple avec cette subtile répétition qui voit les Soviétiques entrer dans Prague comme les Allemands quelques années plus tôt. Mais je crois que sa fiction m'attire plus.

Abraxas
8.9

Abraxas (1938)

Sortie : 1938 (). Roman

livre de Jacques Audiberti

une critique.

Les Naufragés du Wager
7.6

Les Naufragés du Wager (2023)

Une histoire de naufrage, de mutinerie et de meurtres

The Wager: A Tale of Shipwreck, Mutiny, and murder

Sortie : 25 août 2023 (). Récit

livre de David Grann

Paul_ a mis 8/10.

Annotation :

Pierre Mac Orlan disait qu'il y a plus d'aventures sur un échiquier que sur toutes les mers du monde, mais tout de même ! Grann exhume un récit absolument invraisemblable et, grâce à un travail monstrueux et animé d'un enthousiasme de conteur, écrit un livre d'histoire romanesque au possible, comme si on y était. Le livre déborde d'anecdotes sur les matériaux, les maladies, la débrouillardise des marins puis des naufragés, les stratégies guerrières ou rhétoriques... On peine à croire qu'il y ait pu avoir autant de rescapés et on ire ces personnages qui ne s'inventent pas, comme le cannonier Bulkeley ou le jeune John Byron qui sans son courage aurait privé la poésie anglaise de son petit-fils. Après tous ses rebondissements, le livre se termine sur un procès presque décevant d'un point de vue dramatique, mais d'une importance capitale parce qu'il a orienté la version de chacun des acteurs. Et on est bien obligés de faire confiance aux survivants, parce que ce sont les seuls à pouvoir raconter, à leur guise, ce qu'il s'est é là-bas. Vivement le Scorsese pour revivre cette folie.

Thésée, sa vie nouvelle
7.5

Thésée, sa vie nouvelle (2020)

Sortie : 20 août 2020. Roman

livre de Camille de Toledo

Paul_ a mis 8/10.

Annotation :

Ce qu'on pouvait prendre pour un récit de deuil classique, hanté par le démon de l’analyse, se déplie en une ionnante enquête de psychogénéalogie. En s'interrogeant sur les raisons qui ont poussé son frère au suicide, Camille de Toledo ouvre les « fenêtres du temps » et finit par remonter jusqu'au sort de ses aïeux juifs pris dans les deux Guerres mondiales, en s’arrêtant sur la gloire illusoire de ses parents pendant les Trente Glorieuses. À la fois pudique et poétique, le style évoque Bernhard pour son ressassement et Sebald pour sa méditation sur la sédimentation des époques, photographies à l’appui. Face à ces traumas familiaux, le corps cède, somatise, et il devient urgent de sortir du langage en revenant à des formes de médecine plus traditionnelles. Un livre sincère, original et complexe, entrelacé par des voix qui empruntent au théâtre et font penser à un Juste la fin du monde plus réussi, pour sa sagesse trouvée au-delà de la plainte.

Une brève histoire de tous les livres
7.2

Une brève histoire de tous les livres

Sortie : 5 novembre 2014 ().

livre de Lucien X. Polastron

Paul_ a mis 7/10.

Annotation :

J'avais oublié que je possédais cet élégant petit ouvrage d'Actes Sud au titre borgésien et farceur. En réalité c'est surtout, dans sa longue première partie, une histoire du livre en tant qu'objet. Du papyrus au parchemin, en ant par le bambou en Chine, jusqu'à Gutenberg, les incunables et le livre de poche, la piqûre de rappel ne fait pas de mal. Mais il faut s'accrocher : l'auteur va vite, jargonne souvent (j'ai appris plein de nouveaux mots) et il faut fournir un effort d'imagination pour comprendre les différentes techniques de fabrication décrites. Polastron produit un beau travail de synthèse, son style est racé mais aussi un peu snob dans son érudition absconse. Reste que son essai transpire l'amour du livre : il rappelle à cet égard que la lecture est d'abord la rencontre de deux peaux (quand l'ouvrage lu est en cuir). On apprend au age qu'il y a eu des cas de livres reliés en peau humaine tannée (un exemplaire de Sade qu'on peut lire sur une poitrine de femme). Dans la seconde partie, plus courte, l'essayiste pourfend évidemment le numérique, comme tout bibliomane septuagénaire qui se respecte. Si son avis est un peu réac', il a le mérite de rappeler que la matérialité du livre est inscrite dans son étymologie, liber, le dessous de l'écorce. Au final on a l'impression d'avoir lu un essai important parce qu'il dispense un savoir précieux qui ne doit pas se perdre.

On ne badine pas avec l'amour
7.1

On ne badine pas avec l'amour (1834)

Sortie : 1834 (). Théâtre

livre de Alfred de Musset

Paul_ a mis 7/10.

Annotation :

Relu pour mes 1ères.

La fraîcheur du drame romantique, qui mêle un habile quiproquo tragique et une drolatique galerie de caractères. Tout le monde en prend pour son grade et Musset, amer, s'en donne à cœur joie. Sa plume est acérée et se joue des conventions classiques. Envie de relire Lorenzaccio, de découvrir tout Musset.

Mermoz
7.8

Mermoz (1939)

Sortie : 1939 (). Biographie

livre de Joseph Kessel

Paul_ a mis 7/10.

Annotation :

Pas besoin de renouveler le genre de la biographie quand on a un sujet comme Jean Mermoz. De sa plume précise et poétique, Kessel fournit un travail de titan pour reconstituer la vie de cette figure légendaire dans ses moindres détails. Mermoz a tout vu, tout connu : le désert où il est pris en otage par les tribus nomades, la jungle amazonienne qu'il ose survoler de nuit en pionnier, les glaciers des Andes dont il reste pris au piège pendant trois jours, l'Atlantique dont il boucle la première traversée commerciale, et qui l'engloutira... Si l'aviateur est exceptionnel, l'homme ne l'est pas moins. Kessel montre bien comment cet enfant élevé par sa mère et très tôt habité par son destin avait un appétit dévorant de la vie, tout autant qu'une humilité presque monacale qui le rendait absolument charismatique. Jean déjeune des omelettes de huit œufs, ramène dans sa carlingue un phoque de Patagonie pour le mettre dans sa baignoire, parle de « voyage sportif » quand il doit se poser en urgence sur un sommet de la Cordillère et caler la roue de l'avion avec son dos pour éviter qu'il ne roule dans l'abîme... Et en même temps refuse les honneurs, préfère la compagnie d'un mécano ou d'un missionnaire envoyé soigner les lépreux à celle des journalistes qui exagèrent ses exploits et des politiques qui les freinent sans cesse. Trempé d'un acier différent, Mermoz fait partie de ces êtres d'exception qu'on a envie d'imiter pour devenir un homme meilleur. Ayant été son ami, Kessel en fait sans doute un peu trop, multipliant les superlatifs, étirant son livre qui frôle parfois l'hagiographie. De manière assez amusante, le livre n'est même pas loin de fleurer l'homoérotisme quand il chante la camaraderie virile ou croque pour la énième fois les épaules magnifiques et la chevelure d'or de ce Hercule moderne. Mais l'auteur en a conscience lui-même : « même l'épopée devient monotone », et ses mots ne seront jamais vraiment à la hauteur de son héros.

Flaubert à La Motte-Piquet
6.6

Flaubert à La Motte-Piquet (2015)

Sortie : 9 septembre 2015.

livre de Laure Murat

Paul_ a mis 7/10.

Annotation :

Sous le signe de Perec placé en exergue, Laure Murat s'amuse à faire la liste, un peu comme un membre du site, des livres que les gens lisent dans le métro. Ce relevé sans aucune prétention sociologique donne lieu à une promenade littéraire légère et malicieuse, où chaque couverture rencontrée devient un prétexte à digression. L'autrice remarque qu'un homme qui engueule sa femme tient dans ses mains un roman sur un féminicide, tombe sur les Misérables alors qu'elle est en route pour la maison Victor Hugo, parvient à deviner Guerre et Paix grâce au seul nom entrevu d'un personnage, aborde un énième lecteur de Foenkinos en lui demandant ce que ça vaut... Et se prend même tellement à son jeu qu'elle bouscule exprès les lecteurs pour pouvoir déchiffrer le titre de leur livre. Murat est aussi une partisane du numérique et son point de vue est intéressant. Une petite friandise de 80 pages sur notre rapport à la lecture. (Et lire cet ouvrage dans le métro, n'est-ce pas le comble du raffinement méta ?)

Le Sabbat
8.1

Le Sabbat (1946)

souvenirs d'une jeunese orageuse

Sortie : 1946. Autobiographie

livre de Maurice Sachs

Paul_ a mis 8/10, l'a mis dans ses coups de cœur et le lit actuellement.

Annotation :

Le Sabbat, c'est Les Confessions de Rousseau mais dans les années folles. Et Sachs est un personnage pour le moins haut en couleur : juif, homosexuel, converti au catholicisme puis au protestantisme, résistant puis collabo... Si ses souvenirs s'arrêtent avant la guerre, le bougre a déjà de quoi battre sa coulpe. Sachs vole, sombre régulièrement dans l'alcool, fréquente le fameux bordel du Jupien de Proust (ce qui donne lieu à de belles pages prophétiques sur la postérité de la Recherche), fuit lâchement sa fiancée en Amérique, déçoit ses amis. Animé par une ion quasi mystique pour la littérature, il raconte sa rencontre avec Gide, Max Jacob ou Cocteau, son idole de jeunesse avec lequel il règle ses comptes, ayant perdu ses illusions. Sous cet angle notre homme a l'air bien antipathique et pourtant grâce à une plume sensible, qui ne s'apitoie jamais sur son sort, il parvient à éclairer les circonstances de son destin chaotique, une enfance sans amour et cette effervescence si particulière de l'après-guerre qui pousse les jeunes Parisiens à l'excès. Son ouvrage est ainsi bâti sur la théorie intéressante selon laquelle le criminel n'a pas toujours conscience de sa faute (« j'avais toujours un peu trop de fumier sur l'âme »). Mais ce qui donne le sel à cette chronique, c'est moins la confession à proprement parler que le tableau éblouissant d'une époque, servi par un sens affûté du portrait paradoxal qui rappelle les grands moralistes.

.........

« Je me considère comme un mauvais exemple dont on peut tirer de bons conseils. »

« Dans le petit matin glacé où l'on se retrouve seul et dépouillé on peut choisir encore entre la mort et le travail par lequel tout homme peut faire sa vie. »

Emaux et Camées
7.4

Emaux et Camées (1852)

Sortie : 1852 (). Poésie

livre de Théophile Gautier

Paul_ a mis 6/10.

Annotation :

Parmi cette armée des romantiques sur laquelle Arte a fait sa mini-série, Théophile Gautier est un peu la dernière roue du carrosse. Il n'a laissé aucune grande œuvre à proprement parler, ce qui le rend paradoxalement attachant. La lecture de ce recueil qui est sa somme poétique permet de mieux saisir son importance dans le contexte de son époque. À la croisée du romantisme et du Parnasse, ses poèmes en octosyllabes annoncent à la fois Baudelaire pour le spleen et les amours ambiguës, et Mallarmé (il utilise avant lui les fameux « monolithe » ou « aboli ») pour l'art pour l'art et ce goût du poème-objet suggéré par le titre du recueil. Alors certes, il y a peu d'images renversantes et de poèmes mémorables (à part peut-être « Le Château du Souvenir »), Gautier est un bon élève qui n'a pas le génie d'un Baudelaire ou d'un Nerval et on aurait peut-être aimé des morceaux plus ciselés, mais c'est un poète tout à fait sympathique.

.........

Un quatrain de circonstance :

« Tandis qu'à leurs œuvres perverses
Les hommes courent haletants,
Mars qui rit, malgré les averses,
Prépare en secret le printemps. »

Les Caprices de Marianne
7.1

Les Caprices de Marianne (1833)

Sortie : 15 mai 1833 (). Théâtre, Romance

livre de Alfred de Musset

Paul_ a mis 6/10.

Annotation :

Lu très vite, trop, surpris que la pièce ne dure que deux actes ! Mais on retrouve le goût de Musset pour un genre hybride, mi-comédie mi-drame, son portrait fin et complexe du triangle amoureux, à commencer par le personnage de Marianne, et surtout cette espèce de nonchalance irrésistible de la forme.

Tous les matins du monde
6.5

Tous les matins du monde (1991)

Sortie : 1991 (). Roman

livre de Pascal Quignard

Paul_ a mis 7/10.

Annotation :

Avec ses phrases droites, néo-classiques, aussi courtes que ses chapitres, Quignard me semble vraiment appartenir à la fratrie des Michon et des Bergougnioux. Mais ce livre-ci, visiblement un roman-scénario, devient étique par manque de chair. Les sentiments sont trop purs et le caractère de ce Sainte-Colombe baigne à mon avis dans un romantisme taciturne un peu fumeux et faussement profond. Reste que l'ensemble ne manque pas de grâce : la reconstitution est impressionnante, la langue impeccable et surtout l'attention aux détails, sensations, odeurs est très précise, à l'image de la poussière sur la viole ou des pas qui font craquer la glace.

Fantasio
7.1

Fantasio (1833)

Sortie : 1833 (). Théâtre

livre de Alfred de Musset

Paul_ a mis 7/10.

Annotation :

Fantasio souffre de la même mélancolie que l'Octave de Marianne : le fameux mal du siècle. Musset fait mine ici de faire du Marivaux pour injecter un soupçon de Figaro dans ce poète bouffon par qui le scandale arrive. Cette pièce me semble plus complexe que Les Caprices car plus politique, délesté des bons sentiments de l'amour.

L'Arrestation d'Arsène Lupin
7.7

L'Arrestation d'Arsène Lupin (1905)

Sortie : juillet 1905.

livre de Maurice Leblanc

Paul_ a mis 6/10.

Annotation :

Mon édition très courte contenait trois nouvelles : « L'Arrestation d'Arsène Lupin », « L'Évasion d'Arsène Lupin » et « L'Écharpe de soie rouge ». Ce sont les premiers récits de Leblanc, on sent qu'il se cherche encore, les procédés m'ont paru un peu éculés et le style n'est pas vraiment remarquable mais ça fait toujours du bien de lire de la littérature de genre. Il y a quelque chose de Cyrano dans la bravade et de Monte-Cristo bien sûr dans l'incessant travestissement. Je retournerai sans doute voir du côté de l'Aiguille creuse.

Les Revenentes
6.7

Les Revenentes (1974)

Sortie : 1974 (). Essai, Roman

livre de Georges Perec

Paul_ a mis 7/10.

Annotation :

Cette fois-ci c'est clairement un choc graphique (alors que personne à la réunion de l'Oulipo n'avait repéré la contrainte dans La Disparition) : je croyais que c'était « simplement » un nouveau lipogramme alors que c'est un monovocalisme, Perec sacrifiant toutes les autres voyelles que le E. Et, il faut le dire, avec l'autorisation de l'Ouvroir, triche un peu en mutilant la forme même des mots : « qe », « mets » pour « mais », « cependent »... Le début n'est pas loin de l'illisible, le livre a failli me tomber des mains mais Perec m'a bien eu à nouveau : drôlerie, inventivité, réflexion sur la langue. La contrainte encore une fois stimule l'imagination : les héroïnes s'appellent Thérèse, Hélène et Estelle, elles boivent des Schweppes et lisent du Hegel et du Verne, l'action se e chez les berbères et à Exeter, etc. Niveau scénario c'est un cocktail inédit de policier, roman sadien et feuilleton à la Dumas (il est question de récupérer des « ferrets »). Et ici l'idée principale de Perec, qui veille toujours à ce que le fond dialogue avec la forme, c'est que ses licences poétiques vont augmenter en même temps que la licence morale. Car le vrai intérêt des Revenentes, c'est une orgie absolument drolatique avec des évêques qui s'étend sur vingt pages, où l'auteur va jouer avec le plaisir du texte de Barthes. En effet ce dernier rappelait que le désir est toujours exacerbé non pas par la peau nue mais par le vêtement qui bâille, et Perec applique bien la leçon ici en utilisant ses mots comme des habits pour dissimuler, et donc éviter un contenu clairement pornographique. Le bon vieux Georges a mille visages et n'est jamais là où on l'attend.

C'est aussi dans ce livre que l'on trouve la phrase « Je cherche en même temps l'éternel et l'éphémère » que Perec a placée en épigraphe du dernier chapitre de la VME, d'après ses propres mots « peut-être celle que j'aime le plus de tout ce que j'ai écrit ».

.........

« Estelle, cependent, persévère près de l'Évêque et espère fermement qe le sperme se déverse de cette qeqette q'elle ne cesse de brenler, mets l'Évêqe est très près de ses septente berges et les verges de grends-pères, certes, menqent de verve, de genesse et de ggêté.
– Très chère enfent, fêt l'Évêqe, ne te désespère ! Tes brenlettes m'enchentent, mets je sens qe je te pèse et te permets de chercher qelqe verge enchenteresse ! Prends Tencrède, l'est vrément ferré ! »

Le Voyage d'hiver
7.3

Le Voyage d'hiver (1993)

Sortie : octobre 1993.

livre de Georges Perec

Paul_ a mis 6/10.

Annotation :

L'illustration par la fiction de la théorie du plagiat par anticipation chère aux Oulipiens. Du Borges gentillet, sans la sécheresse stylistique ni le vertige. La nouvelle est plus complexe qu'il n'y paraît et sans doute truffée de clins d'œil et de tiroirs ,comme souvent chez Perec, mais je trouve qu'on l'a connu plus en verve.

Article 353 du Code pénal
7.2

Article 353 du Code pénal

Sortie : 3 janvier 2017 (). Roman

livre de Tanguy Viel

Paul_ a mis 6/10.

Annotation :

Sous la forme d'un long monologue adressé à un juge par un pauvre Breton floué par un promoteur immobilier, Viel construit un récit policier et psychologique qui brille avant tout par sa fluidité. La copie est très propre, chaque phrase mène parfaitement à la suivante mais j'ai trouvé le procédé artificiel (comment croire que le régisseur d'un vieux château et ancien ouvrier parle une langue aussi littéraire ?) et les images assez convenues. La chute qui explique le titre n'est pas vraiment convaincante non plus. Du Mauvignier en moins bien.

Ravel
7.4

Ravel (2006)

Sortie : janvier 2006. Roman

livre de Jean Echenoz

Paul_ a mis 7/10.

Annotation :

Encore une « biographie » écrite comme elles devraient toutes l'être : par l'autour, les atours, les manies, le train-train des mondanités où il est finalement très peu question de musique. Ce personnage de dandy froid et ironique va très bien à l'univers d'Echenoz, ses nombreux voyages aussi qui vont encore occasionner les variations subtiles de la phrase, ses décrochages dans le rythme, le niveau de langue, toujours dans un juste milieu entre la dramatisation classique et la parodie, à coups d'euphémismes et d'ironie discrète dans les descriptions matérielles à la Perec. Du point de vue de la grammaire, il y a aussi une thèse à faire sur l'apposition chez Echenoz. Bref, l'air de rien il parvient encore à atteindre une certaine densité dans l'écriture.

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