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Un é à découvrir, un présent à affronter, un complot à révéler.
Le beau temps est revenu assez rapidement. Je reprends mon très beau trajet matinal sur toute la longueur de la Croisette à 7h du matin, entre les joggeurs et les machinos qui montent ou démontent les installations éphémères pour les soirées sur la plage, et je res le palais où l'on retrouve un groupe de fidèles du matin. Je discute avec ma voisine qui s'occupe du cinéma Autrichien au marché du film, et qui le prend très mal quand je lui demande qu'elle est l'étendue de la production de ce pays, me citant un chapelet de noms dans lequel je ne reconnais que Jessica Hausner (dont les deux derniers films sont d'ailleurs en langue anglaise, mais je veux pas l'énerver davantage). On change de sujet.
Grosse journée de compétition avec trois films consécutifs, le premier étant Parthenope de Sorrentino en 2024.
Bon sang, je viens de mettre au jour un complot.
Retour dans la file, comme d'habitude très en avance, histoire de pouvoir rentrer parmi les premiers dans la salle et m'assurer des places correctes : pour le film, mais aussi l'extraction de la salle. On perd facilement 15 minutes si l'on sort avec la marée humaine des spectateurs qui n'ont pas d'autres séances à enchainer. La file d'attente, c'est aussi l'occasion d'entendre les conversations les plus improbables, comme ce couple de retraités qui donne par téléphone des instructions à l'homme de main pour cirer le parquet, en expliquant que le matériel est "dans la salle de gym", le tout avant d'aller voir un film d'un dissident iranien.
Jafar Panahi, qui a eu de très sérieux problèmes avec le régime, n'était pas venu à Cannes depuis 2018. Son nouvel opus, Graines de figuier sauvage de Rasoulof l'année dernière. Un mélange entre La Jeune fille et la mort, 12 hommes en colère et L'étrange incident, mais dans lequel l'humanité des personnages n'est jamais oblitérée, notamment par la présence de quelques salvatrices scènes comique. Un grand film.
J'ai le temps d'avaler un café avant de retourner au Grand Théâtre Lumière, et de vérifier avec fébrilité s'ils vont nous laisser nos sacs. J'avance vers le portique dans un ralenti digne des pires excès de Julia Ducournau hier dans son film, et le vigile tend la main vers mon sac... pour en vérifier le contenu et me laisser er. J'apprends plus tard que tout le monde n'a pas eu cette chance, le suspense restera donc entier pour les prochains jours.
La compétition a beau avoir ses abonnés parfois indignes (comme les italiens, donc), c'est aussi l'occasion de mettre en lumière des cinéastes plus confidentiels. Je n'avais rien vu de la catalane Carla Simón avant l'annonce de la sélection, et j'ai rattrapé mon retard avant de venir en découvrant ses deux premiers, le fantastique Romeria, où la cinéaste poursuit son travail sur la mémoire et la perte de ses parents, morts du SIDA lorsqu'elle était enfant. Le film suit donc la quête d'Histoire et de sens d'une jeune fille de 18 ans qui va rencontrer la famille du côté de son père pour obtenir une déclaration de filiation qui lui permettra d'obtenir une bourse pour ses études. La cinéaste est toujours aussi juste et délicate dans sa direction des comédiens, et traque, dans des scènes familiales authentiques et spontanées, le poids des non-dits et la résistance à regarder le é en face. Le récit, après une volontaire stagnation, se déploie sur une ode à l'imaginaire et la créativité dans laquelle la cinéaste explique sa vocation et sa profonde foi dans le cinéma.
La soirée se fera, comme presque tous les jours, en Cannes Première, pour le nouveau film d'Alex Lutz dont j'apprécie beaucoup le travail en tant que réalisateur, que ce soit pour Guy ou Une nuit, présenté ici même en 2023.
Avant le début du film, je suis abordé par mon voisin, Guillaume, qui me confie lire ces comptes-rendus chaque jour. Spéciale dédicace, donc, et hommage par ailleurs à la grande civilité du jeune homme qui échangera sa place avec une dame âgée entrée en last minute, et qui s'était résolue à s'asseoir sur les marches.
Partir un jour, qui a fait l'ouverture du Festival, sur le même motif du retour dans la région natale et de la fracture sociale qui peut en découler. Connemara est un beau film, irablement interprété, et plutôt fin avec les questions qu'il aborde grâce la sensibilité de son réalisateur. Le film abuse un peu de ses principes formels, par un montage impressionniste et de nombreux chevauchements sonores, artifices pas toujours nécessaires. Et je lui en veux profondément pour sa séquence finale illustrée par la chanson de Sardou, que j'ai eue en tête toute la nuit.
Au programme aujourd'hui : une romance gay, le retour tant attendu de Trier, un colonie de vacances et de la pop japonaise.