L’essence même du jeu n’a pas changé. Et c’est tant mieux. Lors de vos parties, vous aurez toujours ce sentiment tenace mais infondé que vous êtes le seul à bosser et que les autres n’en foutent pas une. C’est le syndrome du jeu de fonctionnaire.
Putain de feignasses de fonctionnaires qui n’en foutent pas une pendant que je m’esquinte dans un boulot à la con. Et je compte même pas la sécurité de l’emploi !
J’épluche, je coupe, je cuis, je grille, j’enfourne et ça tourne pas, ça tourne pas ! Les clients attendent, attendent, s’énervent et j’aurai pas mon putain de pourboire. Je suis sûr que des fonctionnaires, y’en a plein ma salle, à glander pendant que je bosse. Et les autres à côté de moi ! J’en parle pas. Ils se balancent les légumes à la tronche, jouent avec les rats, laissent trainer les ingrédients par terre, font cramer les steaks… c’est un bordel sans nom, y’en a partout. Et moi je marne. Heureusement, la difficulté est tombée d’un cran, sinon, j’aurai pété les plombs.
Les clients sont intransigeants mais je suis pas regardant sur la qualité. Je sers des pizzas après les avoir posées par terre, je lave des assiettes dans une eau dégueulasse, je laisse les plats refroidir, je me lave jamais les pognes, mais ils voient pas la différence ces ploucs.
Mais j’ai la putain d’impression d’être tout seul. Regardez-les s’agiter ces débiles d’employés qui n’écoutent pas mes consignes. J’en vois même un qui veut diriger à ma place. Il se prend pour qui ce trou du cul ? Mais je le laisse faire. Quand tout aura foiré, je manquerai pas de lui dire que c'est une grosse tanche. Je crois même que je vais y mettre de la mauvaise volonté. Je vais couper les tomates à moitié, je vais laisser un incendie se déclarer pour le voir courir avec l’extincteur, je vais mettre les plats réussis à la poubelle, je vais lui foncer dessus pour qu’il tombe dans le vide, je vais lui jeter des oignons à la gueule à cet enfoiré.
Après, pour de vrai, on ouvrira une autre bière. Je vais le traiter de tous les noms en me marrant et il m'en dira autant. Putain de feignasse, il aurait toute sa place dans la fonction publique avec les prof et les infirmières.
Mais bon, faut qu’on remette ça, parce que je râle, mais qu’est-ce qu’on se marre !