Tunic l'ambiance

Au moins j’en ai le cœur net cette fois-ci : je n’y arrive pas avec Suda 51. En découvrant la scène de la roulette russe dans Killer7 il y a quelques années, et la promesse d’une direction artistique hallucinante, je me rêvais en fan des productions du jeune Goichi. Mais au final, peu importe le jeu, à chaque fois je me saisis de la manette : impossible de ne pas m’arracher les cheveux, de péter un câble, et de rêver de la fin de l’expérience à chaque minute de jeu ce qui n’est jamais bon signe. J’ai décidé cette fois-ci de quand même m’accrocher jusqu’au bout pour une fois, et quel enfer de découvrir que depuis le début je jouais à une suite de Silver Case sans le savoir et que je connaissais pas la moitié des personnages et l’univers que j’étais censé explorer… Trahison !

Je commence par le positif comme il se résume en un point unique. Oui : l’idée centrale de gameplay est bonne. Proposer au joueur un manuel en jeu d’une cinquantaine de pages qui contient toutes les solutions de toutes les énigmes de l’aventure, et dans lequel il faudra fouiller en fonction de ce à quoi on est confronté c’est bien. On imagine bien que sans ce jeu il n’y aurait pas eu Tunic, Lorelei and the Laser Eyes et à priori Paradise Killer (mon prochain jeu). L’ambiance générale est également assez envoûtante comme toujours chez Suda, c’est ce qui me clickbait vers ses projets, et c’est toujours cool de proposer une B.O. composée quasi-uniquement de remix de musique classique même si c’est vrai que l’adaptation de ces dernières sur DS fait parfois un peu grincer des dents.

Mais c’est littéralement tout ce que j’ai noté de positif, et quand je vois ma liste de doléances à côté ça fait peur. L’ergonomie du déroulement du jeu est un pur crime contre l’humanité. Pour donner un exemple, à un moment un personnage vous dit “La solution se trouve dans le chambre 404”. Donc naturellement vous vous y dirigez… MAIS NON ! Il faut dans un premier temps aller au 5ème étage (aucun rapport) parler à un personnage, puis redescendre au premier pour parler à un autre car une seule interaction intermédiaire pour interférer à un ordre aussi direct n’était pas suffisant à priori ! C’est littéralement kafkaïen : ce n’est pas agréable en 2025, ce n’était pas agréable en 2001, et pour un jeu au game design aussi minimaliste où globalement on ne fait que parler et marcher n’est inissible que des lourdeurs de parcours pareilles aient réussies à s’inclure dans l’équation ! Et qu’on ne me sorte pas l’argumentaire ad Silent Hill 2 sur le fait qu’en fait ce sont des métaphores pour montrer les pérégrination intérieures du protagoniste parce que rien ne peut justifier des environnements aussi abusivement grands, des dialogues aussi abusivement creux (et qui te spoil la solution des énigmes 60% du temps). Certains critique les point and click LucasArts mais là on est vraiment 100 étages en dessous en termes de logique et c’est vraiment gonflant d’avoir la sensation que les actions à mener sont aléatoires. Car je n’ai cité qu’un seul exemple mais il y en a pléthore, parler 4 fois d’affilé à des personnages pour résoudre une énigme dont on a la solution dès la première ligne de dialogue, aller dépanner un cycliste alors que le protagoniste dit “Je dois aller parler à personnage X” qui n’a aucun rapport avec le cycliste en question.

Rien ne fonctionne vraiment dans Flower, Sun and Rain, ni les moments humoristiques punk où les cassages du quatrième mur ne vont jamais plus loin que de simples blagues à la Deadpool ni les moments qui se voudraient plus sincères et touchants au premier degré comme les mariés. Même le Clair de Lune garantit 100% bonne ambiance grâce à sa troisième reprise par Masafumi Takada fait pschitt quand on se retrouve à grimper le pire escalier en colimaçon de l’histoire du jeu vidéo, même Silent Hill 1 ne faisait pas cet écueil en 1999. En jouant aux jeux de Suda on a vraiment trop l’impression que Grasshopper implémente directement en jeu chaque idée qui lui e par la tête sans la moindre relecture, ce qui a dû donner des résultats heureux pour les fans comme dans Killer7 mais qui a dégoûté tout le monde dans Travis Strikes Again alors que personnellement j’ai trouvé ce dernier quasiment plus agréable à parcourir que ses anciens jeux.

Qu’est-ce qu’on retiendra de Flower, Sun and Rain alors à part une idée de game design pour un jeu d’énigme certes excellente mais surtout redondante et peu exploitée. Une ambiance attirante mais comme toujours ruinée par une proposition de jeu nauséabonde, imbuvable et à la pratique rendue impossible par un game design qu’on ne peut qualifier d’autre chose que de pénible. Triste car je comprends avec ce jeu que je n’arriverai jamais à accrocher aux créations de Suda.