Wakamatsu livre avec United Red Army une œuvre singulière, issue de plusieurs genres différents, mélangeant documentaire et fiction, narrant les événements pendant et précédant la prise d'otage d'Asama Sanso par un groupe révolutionnaire communiste.
Ainsi le film s'ouvre sur quasiment une heure d'explication de comment différents groupes communistes prônant la lutte armée se sont retrouvés dans un chalet en pleine montagne pour faire un entraînement commando et lancer une guérilla sur le Japon au début des années 70. On retrouve dans cette partie beaucoup d'images d'archives, ce n'est pas forcément facile à suivre parce que les acronymes de groupuscules s'enchaînent ainsi que les noms de militants communistes.
Néanmoins cette partie permet malgré tout d'avoir une idée du contexte politique dans lequel s'inscrit notre United Red Army et de bien constater que malgré les dérives à venir il y a avait de véritables revendications dans les mouvements étudiants de l'époque. Le terreau était fertile à la contestation sociale et on voit aussi pourquoi certains ont pu se radicaliser dans leur lutte.
Mais la partie centrale du film est la plus intéressante et la plus importante parce que l'on voit comment un mec qui a été réintégré à la faction après avoir disparu assez longtemps prend le pouvoir après l'arrestation des autres membres plus anciens que lui et va petit à petit faire régner la terreur dans son groupe. Le film est particulièrement désagréable à voir parce que voir ce mec brutaliser ses camarades en faisant des injonctions toujours plus violentes à l'autocritique, n'a rien de plaisant et c'est même profondément malsain. On e bien vite de : "ah c'est bizarre quand même comme mode de fonctionnement" à "ah mais en fait c'est des tarés".
Et c'est là que c'est intéressant parce que Wakamatsu a été un militant politique, je crois savoir qu'il a eu une certain accointance avec ce genre de mouvement communiste, mais là il remet totalement en cause de fonctionnement. Si au début on peut avoir un petit doute sur le message du film, il nous est ensuite exposé en pleine figure et on ne ratera rien des exactions que doivent subir les membres afin de faire leur autocritique. Mori le leader semble juste fou à croire que si on est frappé jusqu'à tomber inconscient on renait en bon communiste. Forcément le drame arrive et on aurait pu croire que ça mettrait un coup d'arrêt au harcèlement des membres, mais non, il redouble, on purge, on condamne à mort ceux qui sont suspectés de ne pas être totalement dévoués à la cause.
C'est là que la durée quasiment inable du film (3h10) prend tout son sens. On peut sentir la gradation, l'enfermement dans la montagne, l'absence d'issue et Wakamatsu avec la voix off ou des légers flashback parvient bien à nous faire comprendre qu'on avait des étudiants engagés politiques pour un idéal anticapitaliste qui se retrouvent juste à se faire buter dans la montagne dans une secte.
En plus il y a un côté ridicule à tout ça... on voit bien que les mecs se prennent hyper au sérieux alors que leur entrainement est nul, qu'ils ne tirent même pas avec leurs armes, qu'ils parlent de révolution alors qu'ils sont 15... dans une cabane... à s'entretuer...
Wakamatsu a toujours su bien filmer ça, des mecs qui veulent jouer au caïd et qui se retrouvent juste être des mecs paumés.
On le voit tout particulièrement dans la dernière partie, où le groupe fuit et se réfugie dans une auberge en prenant la patronne en otage... Tout ça semble tellement vain... Ils parlent de guerre contre la police, mais... il y a rien... c'est juste 5 mecs qui n'ont aucune chance.
Néanmoins Wakamatsu a l'intelligence d'à aucun moment prendre le parti pour la police, on ne les voit pas l'écran, on voit qu'ils sont absolument nuls vu le nombre de personnes déployées pour contenir 5 mecs... Malgré le ridicule de la situation, on ne peut s'empêcher de les prendre en pitié, ce ne sont pas les pires du groupe...
United Red Army fait donc partie de la catégorie des films qui sont volontairement déplaisants à voir, qui sont âpres, rudes et durs, mais qui marquent le spectateur. Contrairement à d'autres de ses films qui n'y a aucune esthétisation de la violence qui est toujours crue, horrible, sans gloire.
Film marquant et mine de rien intéressant sur la politique japonaise.