L'image que renvoie Mike Tyson est fascinante, tant dans les sommets qu'il a gravis que dans les fosses où il a pataugé. Facile dès lors pour James Toback de consacrer un documentaire à cette figure majeure du sport moderne, où le boxeur prend la parole pour ne plus la lâcher.
Tour à tour lucide, nostalgique ou fragile, Tyson fend rapidement l'armure en évoquant sa jeunesse criminelle et le harcèlement dont il était la victime. C'est ensuite les rencontres plus ou moins heureuses, dont celle avec son mentor, Cus d'Amato qui, de son propre aveu, l'a brisé pour mieux le réassembler, lui inculquant la discipline, le travail et la rigueur. Cette figure du père, c'est celle que Tyson n'a jamais eu, la plus importante de sa carrière. A sa simple évocation, le boxeur semble se redevenir un petit garçon qui se souvient, les larmes aux yeux, de la perte et du vide éprouvé lors de sa disparition alors que sa carrière commençait à décoller.
On est loin de l'image du puncheur bouledogue qui attaquait bille en tête chacun de ses matchs pour qu'il dure le moins longtemps possible. Pourtant, images d'archives à l'appui, Tyson frappe et met en pièces, cogne pour que la riposte ne soit pas possible.
C'est la disparition de cette figure tutellaire qui semble signer, en creux, la fin d'Iron Mike bien avant sa déchéance. S'il continue de gagner sur le ring, sa vie privée et ses frasques lui échappent rapidement. Difficile, à vingt ans, de garder la tête froide tout en gérant seul les pièges du succès et de la célébrité. Tyson se livre sans fard sur son immaturité, sur ses erreurs ou sur ses affaires judiciaires, sans pour autant se chercher d'excuses. Son image se ternit et les hoquets de sa vie privée contaminent son talent. Le début de la fin. Arrogance, paresse, appat du gain, le boxeur à court de forme devient peu à peu l'ombre de lui-même jusqu'à une fin de carrière qui sombre dans le pathétique.
C'est le sentiment de gâchis qui prédomine, tant le boxeur avait les moyens de marquer encore plus l'histoire de son sport, alors qu'il se retire, en fin de documentaire, sur des défaites peu glorieuses contre des adversaires de seconde zone et sur des pétages de plombs indignes de lui mais révélateurs de sa fragilité.
La sincérité apparente de Mike Tyson, ses silences, ses larmes, sa respiration parfois saccadée, sa voix qui se casse, tout cela concourt à rendre le personnage sympathique et à l'humaniser. Ses accès de colère aussi, contre lui-même, contre Don King ou encore ceux qui ont profité de lui. Mais si parfois ses propos ne sont pas toujours en phase avec la réalité, Tyson livre néanmoins sa vérité, comme s'il se regardait dans la glace pour mieux pointer ses propres défauts et ce qu'il cachait derrière son reflet hautain et sûr de lui.
Il aurait été intéressant de mettre en parallèle à cette confession un ou plusieurs points de vue extérieurs, mais Tyson se suffit à lui-même, à ce qu'il a accompli, à sa légende : même les dieux, dans leurs erreurs, se révèlent profondément humains.
Behind_the_Mask, dans le coin bleu en train de trembler.