Tony, est un beau, jeune, blond et riche jeune homme, aristo moderne et infiniment anglais, traine depuis un moment au bord de la crise de nerf. Il aime avec flegme une jeune femme de son milieu et se contente des rêves lointains et trop grands pour lui, il semble vaguement attaché à ce projet de ville dans la jungle amazonienne sans pour autant s'agiter beaucoup. Parce qu'il n'aime pas vraiment s'agiter, Tony et pour se délasser en maitre raisonnable, il engage un jeune domestique Barrett, son opposé, petit, brun, serviteur professionnel.
Comme on dit dans les synopsis "doucement une certaine complicité s'installe entre les personnages", "Monsieur, de l'eau chaude pour vos pieds glacés ?", "Votre cocktail, comme d'habitude, monsieur !", enfin, vous voyez, la complicité de l'opprimé - j'aime bien ce mot. Dans ma tête, quand je regarde un film, c'est toujours un peu le grand voyage, je pense à d'autres choses, je me connecte à mille pensées au fur et à mesure que je regarde, que je découvre : j'vous raconte : Au début, je repensais à Limonov, Edouard, qui a écrit un livre dans les années 60, il trainait à New York comme domestique chez un grand aristocrate lui aussi, il s'amusait comme une souris qui dansante dès le départ du maître, se saoulait tranquillementramenait des filles dans le lit familial, se saoulait tranquillement, et je pensais donc à lui lorsque Barrett fumait sa cigarette dans la cuisine pour la jeter au moindre bruit dans l'escalier. Il y avait quelque chose d'une tension étrange qui montait, et je repensais à ces deux petits jeunes, avec les mêmes gants blancs, ceux de Funny Games, qui se glissait chez des gens, comme ça, et puis je vous raconte pas la fin, parce que j'm'égarre, mais il y avait une tension - c'est le mot du film, il va falloir vous y faire ! - palpable au milieu de toute cette étiquette, de tout ce chic.
Comme pour jeter un peu d'huile sur ce feu, deux femmes se glissent dans notre histoire. La fiancée de ce pauvre Tony s'invente une haine pour le majordome qui commence à s'implanter dans la maison ; et puis, voilà, Barrett demande la permission - accepté avec plaisir - d'inviter sa soeur qui pourrait devenir la femme de ménage ? Nos quatre personnages sont là, la blonde et la brune, le maître et le serviteur.
La guerre psychologique peut enfin commencer, les volontés se brisent, éclatent, dans un tourbillon de haine et de sensualité. L'apparition de Vera, la soeur de Barrett, est grandiose. Parfois presque débile, toujours débordante de méchancetés et de vices, et des jambes, ses immenses jambes qui déent du rocking-chair, se nouent et se serrent autour de Tony comme un délicieux collet.
Plus tard, il y aura une deuxième partie, plus grandiose, plus violente, mais je vous ai déjà bien assez raconté la première, ne gâchons pas tout. Le tout est assez parfaitement joué, les évolutions morales et largement physiques sont portés avec délicatesse nos quatre acteurs ; et tout ça se déroule dans un noir et blanc exquis, enrobé d'une bande son jazzy et gracieuse ; excellent ! J'y verrai presque une nouvelle perspective de carrière.