Poster un billet sur Sens Critique, c'est comme l'exploration : t'es beaucoup moins crédible quand tu le fais presque un an après tout le monde. Les meilleures plumes y sont déjà allées de leur plus belle prose, tous les bons titres sont pris et tous les aspects de l'oeuvre ont été abordés...
Dur dur donc d'être original.
Mais j'ai des circonstances atténuantes. Car The Lost City of Z, aucun des cinémas que je fréquente ne l'avait programmé lors de son exploitation. C'est certainement ça, aussi, l'exception culturelle française...
J'ai donc profité de la sélection Télérama des meilleurs films de 2017 afin de bénéficier in extremis d'une séance de rattrapage. Même si Télérama, pour moi, c'est un peu une sorte d'antéchrist en matière d'élitisme culturel. Pensez donc, ils ont même trouvé le moyen de nous refiler 120 Battements par Minute... Again. C'est certainement ça, aussi, l'exception culturelle française qui prêche pour sa paroisse...
Au vu du thème du film, je pensais donc être peinard et bénéficier d'une projection privée. Manque de bol, j'ai assisté à une séance pour seniors, comme pour n'importe quel film sur la guerre qui fait habituellement triper nos aînés. A tel point que j'étais à vue de nez le plus jeune dans la salle... J'ai quand même presque 38 ans.
Tout ça pour dire que je l'attendais, The Lost City of Z. Parce que j'adore James Gray, qui n'a fait que des chefs d'oeuvre. Enfin presque. Et parce que je m'imaginais un survival tendu en pleine jungle moite et hostile, dans un danger omniprésent et une menace sourde.
Dire que j'ai été déçu devant le dernier bébé de l'ami James serait exagéré. Mais les premières minutes du film et les constants aller et retours entre l'Angleterre et la Bolivie font comprendre que l'aspect aventure immersive de l'entreprise ne sera pas privilégié. Non. Car même si cet élément est loin d'être gommé, loin de la menace, de la survie et des difficultés de l'expédition, le film de James Gray s'attache avant tout à brosser le portrait de son personnage principal aventurier.
Charlie Hunnam y rayonne, confondant les critiques quant à son supposé manque de charisme. Gray fait tourner sa caméra autour de lui, habité de ses ions qui le dévorent, de ses conflits, avec la hiérarchie militaire, avec ses pairs, avec sa famille, et surtout, cette véritable obsession de la découverte, de la défense de ses convictions.
Nous suivrons chacune de ses tentatives, de ses échecs. Mais surtout, son abnégation et son constant déement de soi, venant à dévorer même sa vie personnelle et sa famille dans sa quête, son épopée ne pouvant qu'accéder à la traque d'une chimère, et ce jusqu'à cette magnifique image finale touchant à une certaine grâce.
Le tout dans un montage parfois fulgurant, dans des décors anglais superbes dans leur reconstitution, dans la boue du champ de bataille. Mais aussi, et surtout, dans des décors de forêt équatoriale terrassant de beauté sauvage, au milieu de laquelle coule une rivière voisine du Styx. Cette jungle servira d'écrin d'une certaine transcendance, mais aussi de la construction d'une famille.
Malgré quelques longueurs parfois parasites, The Lost City of Z demeure une superbe quête initiatique avant tout intime, une sorte de poème à la fois exalté, mélancolique par instants, voire désabusé dès lors qu'il parle de l'influence néfaste du blanc conquérant, rappelant que James Gray reste un sacré bonhomme.
Et rien que pour cela, même si cela me fait mal de le dire : Merci Télérama !
Behind_the_Mask, ♫ Dans la jungle inexplorée... Cannibales et mille dangers...