Wong Kar-Waï trouve dans cette fresque historique sur le kung-fu un prolongement de son cinéma. Il filme toujours des corps et il les incorpore toujours aux éléments qui les entourent, qu'ils soient vitaux ou créés par l'homme.
Dans The Grandmaster, il filme un rêve. Il soigne l'esthétisme de chaque plan tout en lui donnant une signification. Il ne cherche à aucun moment la beauté pour la beauté. Au contraire, il fait de ses personnages des figures qui s'inscrivent dans une époque rêvée. Wong Kar-Waï reconstitue une époque à travers le souvenir et la mémoire. Il joue donc avec la malléabilité de ce temps révolu et la façonne selon son art. Et son art est unique au monde ! Le cinéaste, toujours caché derrière ses lunettes aux verres teints, semblent voir les choses différemment du commun des mortels. Et chacun de ses films est un ravissement pour les yeux, un éblouissement même ! Mais encore, ce n'est pas une simple beauté plastique. C'est aussi une poésie qui se dégagé dans l'éclairage des visages, dans les postures, dans l'intonation des voix, dans le choix du son ambiant et dans la composition de la bande originale. Par exemple, il y a très souvent du violon dans les films de Wong Kar-Waï car il applique à son cinéma la sensualité que transmet l'instrument.
Et donc Wong Kar-Waï, malgré quelques lourdeurs scénaristiques, donnent toute la magie qu'il possède dans la mise en scène des combats. Le combat sous la neige dans la gare est d'un esthétisme à tomber à la renverse. Mais, et c'est un élément rare dans les films d'arts martiaux (qui prouve que le réalisateur n'a pas perdu sa "patte"), les corps nous parlent à chaque instant. Les corps dans The Grandmaster en disent plus long que les dialogues. Et le kung-fu est alors un moyen d'expression ce qui fait que les combats ne sont pas de simples joutes physiques, mais plutôt deux sensibilités différentes qui se rencontrent ou se confrontent.
Avec The Grandmaster, Wong Kar-Waï reconstitue le é comme un rêve glorieux. Les personnages qui l'habitent sont des demi-dieux, des martyrs qui ont souffert au plus profond de leur être mais qui ont, pourtant, toujours su paraître dignes.