Depuis dix ans maintenant et le premier Sherlock Holmes, Guy Ritchie navigue dans l’univers du film à gros budget hollywoodien avec des fortunes diverses, de l’échec cuisant de sa relecture du mythe arthurien pour la Warner (Le roi Arthur: La légende d’Excalibur pas si catastrophique avec le recul) au triomphe estival de son adaptation en live-action du Aladdin de Disney. Cette seconde carrière aura été au mieux mitigée, commençant comme une synthèse de son style avec les exigences des studios pour devenir anonyme sur Aladdin. Avec The Gentlemen comédie policière à base de criminels old-school de l’East End Londonien, dialogues flamboyants et une intrigue qui se complexifie tant qu’il faut bientôt un organigramme pour la suivre, il revient sur ses terres britanniques et à ses premières amours dans la veine de Arnaques, crimes et botanique et Snatch. Désireux de prendre sa retraite avec son épouse Rosalind une « Cleopatre Cockney » (Michelle « Downtown Abbey » Dockery), Mickey Pearson (Matthew McConaughey) expatrié américain devenu le roi de la production et distribution de marijuana en Grande-Bretagne (la façon dont il utilise la structuration de la société britannique pour y parvenir est une des idées les plus originales du script) propose de vendre son entreprise à un compatriote américain (Jeremy « Succession » Strong ) pour 400 millions de livres sterling. Mais Dry Eye (Henry « Crzay Rich Asians » Golding) héritier ambitieux d’un syndicat du crime chinois, est déterminé à ce que Mickey lui vende à la place. Cette rivalité va entraîner une cascade de bastons, menaces et trahisons impliquant un oligarque russe, un entraîneur de boxe irlandais, un gang de rue appelé The Toddlers (les bébés) et un photographe de presse corrompu. The Gentlemen assure pleinement sa fonction de divertissement avec ses dialogues plein d’insultes fleuries délivrés avec des accents épais par des comédiens qui s’amusent visiblement avec les personnages absurdes de Ritchie
Matthew McConaughey co-producteur du film ne sort certes pas de sa zone de confort mais donne toute son aura à ce personnage de gangster philosophe qui essaye de quitter le monde du crime et de se comporter comme un gentleman mais qui, dans la tradition du genre doit se salir les mains pour y parvenir. Le réalisateur de Sherlock Holmes tente d’ajouter un niveau de sophistication à une intrigue somme toute assez simple (en tout cas moins alambiquée que ses premiers films) en faisant du détective privé louche Fletcher (Hugh Grant), le narrateur du film, embauché par un journal à sensation pour enquêter sur Mickey et qui veut maintenant revendre ses informations à son bras droit, Raymond (Charlie Hunnam). Grant est le plus exubérant des comédiens brisant son image chic en jouant un prolo lubrique qui ne peut pas s’empêcher de flirter avec le gangster qu’il tente de faire chanter. Cette forme de narration permet à Ritchie d’utiliser ses techniques cinématographiques favorites. Charlie Hunnam, qui a incarné le Roi Arthur pour le réalisateur, joue ici l’élégant exécuteur des basses œuvres de Pearson, dont la dynamique comique avec le personnage de Grant sert d’ossature au film. Colin Farrell est comme souvent excellent dans des rôles à contre-emploi ici en entraîneur de boxe qui devient gangster malgré lui pour sauver ses poulains. Le personnage de Golding, en revanche, qui veut briser son image romantique de Crazy Rich Asians et Last Christmas, est bien trop caricatural pour être intéressant.
Si les téléphones portables et les réseaux sociaux figurent dans son intrigue et si le rappeur de Manchester Bugzy Malone y rappe, The Gentlemen garde le doux parfum des années 1990 avec ses flashes stylistiques typiques (freeze frame, sous-titres et voix-off) et la reprise du plan Tarantinesque d’une paire de criminels – regardant dans le coffre d’une voiture leur victime- la caméra adoptant son point de vue (le film est d’ailleurs sous la bannière Miramax, producteur de Pulp Fiction depuis é sous le contrôle du groupe qatari Bein). En 1998 les héros de Arnaques, crimes et botanique héros étaient jeunes, The Gentlemen, en revanche, est une ode à l’expérience, ici ce sont des figures paternelles grisonnantes qui font la loi face à de jeunes ambitieux. Fletcher dit de Mickey qu’il se ramollit avec l’âge mûr, et sans doute le réalisateur parle t-il de lui. Il n’a pas tout à fait la même verve qu’auparavant, rien dans The Gentlemen n’est vraiment audacieux ou novateur mais après une décennie comme rouage dans la machine des studios, même une version « light » de ses productions ées à quelque chose de rafraîchissant.