The Alto Knights
5.8
The Alto Knights

Film de Barry Levinson (2025)

Histoire de deux vieux "amis"

On ne compte plus le nombre de films de gangsters américains qui sont sortis depuis la période du muet avec par exemple Regeneration de Raoul Walsh ; les années 30 qui voient se déployer le genre avec en particulier Le Petit César, L’Ennemi Public, Scarface qui donna envie à Al Pacino d’en faire un remake ; en ant par la cultissime trilogie du Parrain pour arriver enfin à ce film de l’année 2025 : The Alto Knight. Le genre a été exploité et surexploité, peut-il encore apporter quelque chose de nouveau ?


On ne compte plus non plus les films dans lesquels un même acteur campe deux ou plusieurs personnages, le procédé est encore plus ancien que le genre des films de gangster, il a été inauguré par Mélies avec voir ma liste sur le sujet).


The Alto Knight cependant a quelque chose de propre à apporter, il ne suit pas l’arc narratif le plus courant des films du genre : ascension du gangster puis sa chute ; il ne comporte pas de scènes violentes de mitraillages à tout va ; et enfin l’acteur qui campe ici les deux personnages principaux a 81 ans, ce qui est un véritable exploit aussi bien physique que psychique pour un homme de cet âge.


The Alto Knight reconstitue les années 50. Les chefs de la mafia américaine sont alors tout puissants. Hoover refuse de reconnaître la réalité du crime organisé, préférant faire la chasse aux sorcières qui n’en sont pas, comme cela a été le cas pour le malheureux Chaplin qui dû fuir les USA. Les gangsters peuvent exercer leur activité librement, protégés par des politiques qu’ils achètent et vivre une vie parallèle à la société américaine.


L’histoire met en scène la relation entre deux légendaires chefs mafieux: Frank Costello et Vito Genovese, elle nous est racontée du point de vue du premier qui est le narrateur du film. Ces deux hommes ont fait ensemble leurs premiers pas dans la mafia avant d’en devenir des chefs et Costello de devenir il capo di tutti capi (le chef de tous les chefs). C’est ce dernier qui inspira le personnage de Corleone dans le Parrain. Dans les années 50 ce sont des hommes respectés et craints faisant régner leurs propres lois.


Ce sont deux hommes qui sont dépeints, deux hommes à la psychologie bien différente du moins à ce moment de leurs vies. Genovese commandite l’assassinat de Costello et rêve de devenir le nouveau capo di tutti capi. C’est sur cette tentative ratée que s’ouvre le film et se noue l’histoire. Costello a compris d’où vient l’ordre et il prend la décision de se retirer. Mais comment faire er le message ? Un dialogue de sourd à distance s’engage entre eux. Dialogue de sourd tragique puisqu’il entraînera, entre autres, la mort d’Albert fidèle protecteur de Costello.


L’esprit du film est léger ; la violence nous est essentiellement montrée par le biais des articles de journaux. Ce qui prédomine ce sont les deux personnages pittoresques de Costello et Genovese. Les dialogues sont nombreux ont été particulièrement travaillés. Ils reflètent la psychologie des deux hommes mais aussi les codes du milieu. Les gangsters ont leur manière propre de s’exprimer, l’art de dire des choses graves sans rien dire du tout. Comme ce dialogue où les deux hommes discutent autour d’un verre au retour de Genovese d’Italie après plusieurs années d’absence :

Genovese : il faut que je trouve le moyen de retrouver ma place. Tu m’as donné Downtown et le West Side, c’est bien, mais ça ne suffit pas, il m’en faut plus. Quand je suis parti, je t’ai tout donné. Il faut qu’on règle ça où il faudra que je trouve un moyen de revenir là où j’étais.
Costello : J’espère que tu ne penses pas à ce ce que je crois, parce que ça, ça serait bon pour personne.
Certains veulent se lancer là-dedans et ils voudraient … tu vois …
Je sais à qui tu causes, avec eux c’est les ennuis assurés.

Ces dialogues faits de sous-entendus, est compris de tous ceux qui font partie du milieu, mais pas de ceux qui y sont étrangers comme la femme de Costello qui lui dit : « je ne comprends rien ». C’est qu’il s’agit d’un tout autre monde, avec une toute autre logique et d’autres valeurs.


les événements importants de cette époque sont mis en scène dans le film : la commission d’enquête de Kefauver, véritable farce durant laquelle les chefs mafieux invoquent imperturbablement le 5e amendement jusqu’à l’absurde, tandis que la commission ne sait plus par quel bout prendre la question :

Je refuse de répondre au motif que mes réponses pourraient m’incriminer.
D’accord M. Profaci, on va simplifier. Quel âge avez-vous ?
Je dois ref de répondre à la question …
Comment vous refusez de donner votre date de naissance ?
- Une chose peut en entraîner une autre

Autre événement important : le rassemblement à Apalachin de tous les chefs mafieux durant lequel Genovese devait être intronisé capo di tutti capi. Une centaine de mafiosi américains et italiens étaient présents. Surpris par la police, le rassemblement mis au grand jour la réalité du crime organisé. Il n’était plus possible de nier sa réalité.


Barry Levinson arrive à rendre cette histoire ionnante à travers ces deux protagonistes et leur entourage. Il arrive à distiller de l’humour comme avec ce dialogue surréaliste entre Genovese et Vincent Gigante sur les mormons.


Ce film ne rencontre malheureusement pas son public. Le temps des gangsters est-il révolu ? ou bien la façon de traiter le sujet a-t-elle déçu les amateurs du genre ? Pour ma part, j’y ai trouvé mon bonheur, de Niro est mon acteur préféré et je suis émerveillée de sa capacité d’interprétation qu’il garde intacte à son âge. Si Costello fut le Parrain le plus important et respecté de tous les mafieux, De Niro, lui démontre une fois encore qu’il est et restera l’un des plus grands acteurs de l’histoire du cinéma.


On peut retenir pour terminer cette réflexion de Costello à la fin du film :

Le seul mystère qui reste entier, c’est comment une bande de jeunes immigrants incultes qui ne parlaient pas un mot d’anglais en arrivant ont réussi à former une organisation nationale multimilliardaire sans que les flics ou les politiques le sachent. Enfin, les flics et les politiques le savaient évidemment, mais on les payait pour ne pas le savoir.
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le 15 avr. 2025

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abscondita

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