La femme qui est partie

« Serre-moi fort » est un feu d'artifice, d'intelligence du filmage, de personnages forts et incarnés, d'un entrelacs subtil de mémoire et de vécu, d'une musique enivrante qui accompagne le film, au montage nerveux, acéré, précis. Sans afféteries filmiques, sans prouesse tape à l'oeil mais avec un vrai talent pour toujours choisir l'angle qui convient, différent à chaque plan, le point de vue juste pour filmer les êtres et les choses, Mathieu Amalric confirme, après ses autres réalisations, un don, qui gagne une ampleur exceptionnelle, de metteur en scène de cinéma, « son premier boulot » dit-il dans un entretien à Ouest-.
« Barbara » était déjà d'une grande audace formelle, « Serre-moi  fort » empreinte un autre chemin, celui du récit morcelé mais néanmoins fluide, filmé dans une continuité qui s'impose comme naturelle, évidente, un puzzle dont le spectateur reconstitue, patiemment, l'ensemble.
« On recommence » pourrait en être le leitmotiv, le mouvement, la répétition. Notes de piano égrenées en gammes, inlassablement, quotidien toujours réinventé, voyage d'errance aux fins fonds de la mémoire. Il y a entres autres musiques des variations, et cette technique de composition pourrait bien définir « Serre-moi fort ». Les temporalités multiples se glissent l'une après l'autre sans césure, d'une façon naturelle, Présent/é et présent s'entremêlent en un subtil jeu de montage des plans. Le chef opérateur Christophe Beaucarne donne au film une coloration unique, entre le rouge de la voiture ( décidément, il y a beaucoup de voitures rouges qui circulent au cinéma en ce moment:) et les teintes ocre-bleutées des scènes domestiques. Le générique est à lui seul un éblouissement. Une véritable merveille.

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le 28 sept. 2021

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abel79

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