C'est le genre de film qui "dit des choses" ; problème, le message me semble parfaitement confus. Comme dans toute dystopie qui se respecte, il s'engouffre dans un idéalisme niaiseux et oublie toute considération matérielle.
Le film se contente de caricaturer le pouvoir comme une entité ouvertement maléfique et ses sujets comme des masses ives ou révoltées sans raison. Hormis le protagoniste, les personnages n'incarnent que des fonctions, des idées, ils n'ont quasiment pas de matérialité. Le film oublie tout ce qui, dans la vraie vie, rend un système oppressif solide : les petits arrangements, les intérêts personnels, les contradictions internes des opprimés eux-mêmes. Au lieu de rentrer dans ces rouages sociaux, il préfèrent s’abandonner à des envolées sur la liberté.
Après la dystopie, nous plongeons dans une société libérale qui prend la forme d'une utopie progressiste. On n’en verra que les clichés. Toutefois, on comprend que cette utopie libérale, sous couvert de bienveillance et de progrès, reconduit des formes de contrôle tout aussi rigides que celles d’un régime autoritaire.
Même si le chemin pour en arriver à cette critique du libéralisme est plutôt désastreux, je pense que c'est l'élément central du film. C’est en particulier la dernière phrase du film qui permet de mieux comprendre la cible de la critique :
La répression est quelque chose de terrible, mais tant que l'espoir existe, elle est able. Parce que si vous souffrez de la répression, vous pouvez toujours vous battre. Mais si c'est votre liberté qui vous hante, alors c'est une calamité.
Dans les sociétés autoritaires, la violence est visible (censure, surveillance, interdictions), on sait contre quoi se battre. Mais dans une société libérale, la domination e par la norme, l'intériorisation. On est libre, en apparence, de tout (de s’exprimer, de consommer, de choisir qui être). Du coup, toute critique paraît illogique : "Pourquoi te plains-tu ? Tu es libre". Ça rend la lutte difficile, parce que l’ennemi ne se montre pas comme tel. Le pouvoir s’est "dilué" dans les dispositifs de bienveillance, de performance, de développement personnel. Même quand une lutte émerge, la contestation est souvent absorbée. La révolte devient une posture, une esthétique. Ce n’est pas qu’on ne peut pas lutter dans une société libérale, mais la nature du pouvoir change et avec elle, les formes de lutte. La domination ne e plus par la peur ou la force brute, mais par l’adhésion. Elle colonise les désirs, les identités et les discours.
Or si un film prétend tenir un tel propos, il ne peut pas se contenter de postures idéalistes. Pour que cette critique ait un véritable poids, elle doit s’incarner dans la réalité des personnages. Il ne suffit pas d’en parler : il faut le montrer. Il aurait été mille fois plus pertinent de faire sentir la toile du libéralisme en situation, dans les interactions concrètes ou dans les formes subtiles de dépendance ou d’adhésion. À la place, le film se repose sur une couche de discours explicatif, comme si nommer le problème suffisait à le traiter.
Concernant l'animation, l’utilisation d'Unreal Engine, pourquoi pas, ça ne me dérange pas en soi. En revanche, les cadrages sont terriblement classiques, sans aucune originalité ni recherche formelle. Je me questionne aussi sur l’utilité des plans de coupe lorsqu’on travaille avec Unreal Engine. C'est très artificiel, comme si le film singeait les codes du cinéma traditionnel sans tirer parti des possibilités spécifiques qu’offre l’outil.