On l’a vu récemment avec Napoléon ou Maestro : le rôle des épouses intéresse de plus en plus le cinéma américain. Influentes, indispensables et laissées à l’écart des projecteurs de l’Histoire, elles sont autant une matière romanesque qu’un levier d’émancipation visant à grignoter autant que faire se peut les puissances persistances du patriarcat.
Sofia Coppola avait déjà traité le sujet avec Marie-Antoinette en 2006, dans lequel elle insufflait un anachronisme pop rock qui n’a presque plus lieu d’être dans Priscilla, où la protagoniste épouse Elvis Presley. On retrouve donc des thématiques chères à la cinéaste qui retrouve après la violente panne d’inspiration On the Rocks son art du portrait d’un individu errant dans sa prison dorée, et devant composer avec la mélancolie du désœuvrement – thème majeur de son cinéma, au cœur de Virgin Suicides, Lost in Translation ou encore Somewhere.
La première partie, de loin la plus réussie, capte ainsi avec empathie l’émerveillement un peu inquiet d’une gamine de 14 ans ant de l’ennui d’une expatriée sur une base américaine en Allemagne à celui de la compagne d’une star sur-sollicitée. Sofia Coppola se met sans difficulté à hauteur de son personnage (excellement interprété par Cailee Spaeny), par des prises de vues qui reproduisent la timidité et l’inexpérience d’une adolescente assignée à résidence ; en ce sens, la cinéaste propose l’exact opposé de l’Elvis de Baz Luhrmann : pas de concerts, ni de foule en délire ou de sommaires retraçant la folie d’une époque, mais un récit reclus, presque un huis clos dans Graceland, où les couleurs ternes accompagnent la solitude d’une accompagnatrice esseulée, et dont la perception semble discrètement rongée par les cachets que son mari lui refile dès leur première rencontre.
On retrouvera, dans une reconstitution très soigneuse, le fétichisme de Sofia Coppola pour les objets et les matières, que ce soit dans ces moquettes épaisses ou le catalogue des productions de la star (Vinyles, magazines, garde-robe…), toutes ées sous le glacis d’un désenchantement croissant.
Ce biopic sans grande ion restitue donc les propos de Priscilla sur son parcours (Coppola adapte son livre, et elle est productrice exécutive du film), et assume un pas de côté par rapport aux excès généralement attendus pour ce type de sujet. Cette frustration qui représente aussi Elvis lui-même (son vœu d’être un grand acteur, ses velléités mystiques), tiraillé entre l’esprit rock’n’roll et un conservatisme persistant, sacralisant autant la posture conjugale qu’il se permet toutes les incartades en dehors du domicile.
Reste que le temps paraît bien long pour la protagoniste, prise dans une boucle confinée et répétitive qui ne décolle plus, et qui fait de l’émancipation un horizon d’attente qui restera finalement hors-champ, après une fin abrupte sur un départ abrupt dénué d’informations complémentaires. Priscilla a dû faire avec, tel sera aussi le sort du spectateur.