Guillermo del Toro continue d'explorer ces thématiques les plus chères avec cette relecture plus adulte et plus proche du matériau d'origine de Pinocchio : l'enfance, le rapport à l'obéissance, les marginaux, les monstres et le fascisme. Son Pinocchio est certes moins puissant que le Labyrinthe de Pan, mais il n'est clairement pas le Pinocchio enfantin de Disney. Son film traite à la fois du deuil inconsolable d'un père (Gepetto) et du besoin de reconnaissance et d'individualité de Pinocchio qui ne veut pas être un simple remplaçant. Le besoin d'amour, de reconnaissance et d'acceptation de ce que Pinocchio est et non pas de l'image qu'on a à laquelle on aimerait qu'il se conforme est renvoyée en miroir par le personnage de la mèche mais aussi celui de Spazzatura, qui cherchent désespérément la reconnaissance et la bienveillance.
Pinocchio est un enfant terrible mes candide qui requestionne les normes d'obéissance et d'obédience de ceux qui l'entourent avec des yeux sans malice. Il donne facilement sa confiance et se laisse facilement embrigader tant par le cirque que par l'armée mais les rejette dès qu'il en perçoit la violence et les injustices. Pinocchio incarne donc une forme de liberté et d'indépendance à une forme presque pure, ce qui en toute logique dans une Italie fasciste fait peur et est accueilli avec rejet. Del Toro va encore plus loin en multipliant les parallèles entre Pinocchio et le Christ, érigeant ainsi Pinocchio dans une figure salvatrice. Malgré des thèmes aussi sérieux que dramatiques le film est marqué par la joie et l'humour, à la fois grâce au caractère volontariste et optimiste de Pinocchio mais également par Cricket dont les blagues bien senties tombent à pic.
Le tout est soutenu par une animation en stop-motion de grande qualité, une galerie de personnages secondaires réussie, comme les lapins croque-morts ou le singe du cirque. L'animation et en particulier l'expression des visages et portée à un haut niveau et insuffle énormément d'émotions au film.
Quant à la conclusion du film, sa charge émotionnelle nous surprend, d’autant qu’elle s’éloigne là aussi du Pinocchio qu’on connaissait, en mêlant encore une fois tristesse et joie, gravité et légèreté.