Paul, Arlette, Jean et la Bretagne font du bon boulot !!!
Jean Grémillon est un réalisateur grandement oublié aujourd'hui et était même assez négligé de son vivant, et pourtant ses meilleurs films ("L’Étrange Monsieur Victor", "Gueule d'amour" et "Le Ciel est à vous" !!!) n'ont rien à envier à ceux des autres grands talents de son époque comme les Duvivier ou les Renoir. De plus, il a su développer un style personnel en mélangeant classicisme et images documentaires, où généralement la mer et les côtes ont un rôle important... Après son cinéma est loin d'être parfait tombant souvent dans l'outrance en ce qui concerne l'histoire, les dialogues et surtout la direction d'acteurs et les personnages, outrance qui m'a rendu par exemple la vision de "Lumière d'été" totalement inable...
"Pattes blanches" est du pur Jean Grémillon, avec ses qualités et ses défauts... Pour les défauts, le caractère de certains personnages manquent de nuances et les acteurs sont inégaux. Michel Bouquet, très jeune et très maigre, n'a pas encore le talent (immense !!!) qu'il gagnera avec les années et les kilos en se montrant encore peu à l'aise devant la caméra. Suzy Delair se débrouille pas trop mal dans le registre "femme fragile" mais est peu crédible dans celui de la "femme fatale". Quand à Fernand Ledoux, très bon acteur notamment dans "Goupi Mains Rouges" et dans les "Papa, Maman...", il est bizarrement ici transparent. Seuls Paul Bernard, dans le rôle-titre d'un aristocrate solitaire et ruiné, et Arlette Thomas, dans celui d'une servante bossue, laide (enfin c'est son personnage qu'il le dit parce que je ne suis pas du tout d'accord !!!) simplette et gentille, arrivent à se distinguer et à convaincre.
D'ailleurs les meilleures scènes du film, et les plus touchantes, sont celles qui mettent en scènes ses deux personnages avec même une fulgurance poétique étonnante qui rappelle "La Belle et la Bête" de Jean Cocteau, et celles de style documentaire qui se déroulent sur les côtes bretonnes qui donnent une petite touche d'authenticité indispensable.
Une oeuvre inégale mais de laquelle se dégage la personnalité de son réalisateur et qui réserve quelques beaux moments...