Difficile de rester indifférent face à un film comme Only God Forgives. Avec son esthétique glacée, sa mise en scène millimétrée et ses silences lourds de sens, Nicolas Winding Refn signe une œuvre profondément singulière. Et pourtant, malgré cette ambition formelle manifeste, le film ne m’a pas touché. Je lui attribue une note de 4/10, car s’il captive visuellement, il m’a laissé émotionnellement vide.
Dès les premières minutes, on comprend que Refn cherche à instaurer une atmosphère étouffante et mystique. La photographie est indéniablement superbe, baignant chaque plan dans une lumière néon hypnotique qui confère au film une aura presque irréelle. La musique de Cliff Martinez accentue cette étrangeté, avec une bande-son envoûtante, quasi spirituelle, qui enveloppe chaque scène d’une tension latente. Sur le plan esthétique, Only God Forgives est une réussite. Mais cette réussite semble tourner à vide.
Le cœur du film – son intrigue, ses personnages, ses enjeux – m’a paru profondément creux. Ryan Gosling, pourtant acteur de grand talent, est ici réduit à un personnage mutique et inexpressif, dont les motivations restent opaques. Le choix de la lenteur et de l’ellipse, s’il peut parfois enrichir un récit, devient ici pesant. Les silences succèdent aux silences, les gestes aux non-dits, sans jamais vraiment nous donner matière à ressentir ou à comprendre.
Refn semble vouloir s’éloigner des codes narratifs classiques pour proposer une expérience sensorielle et symbolique. Soit. Mais cette démarche, si elle n’est pas accompagnée d’une véritable densité émotionnelle ou d’une clarté symbolique, peut vite virer à la pose. À mes yeux, Only God Forgives tombe dans ce piège : sous ses allures de poème visuel se cache une œuvre prétentieuse, hermétique, où la forme prime sur le fond jusqu’à l’étouffement.
Il serait injuste de dire que le film est entièrement vide de sens. Il tente quelque chose, joue avec la mythologie, la morale, la vengeance, l’autorité divine incarnée par le personnage du policier-juge-exécuteur. Mais ces thèmes, pourtant puissants, sont à peine effleurés, noyés dans une esthétique si envahissante qu’elle finit par éclipser toute véritable substance.
Ma déception vient de là : d’un film qui promettait un voyage intense, mais qui ne m’a jamais embarqué. Un film qui semble me demander de ressentir, sans jamais me donner les moyens de le faire. Et si certains spectateurs pourront y voir une œuvre contemplative et mystérieuse, j’y ai surtout vu un exercice de style un peu vain, un film fascinant à regarder, mais désespérément creux à vivre.
Only God Forgives n’est pas un mauvais film au sens technique du terme. C’est une œuvre audacieuse, pensée, assumée, mais qui a échoué à m’atteindre. Mon ressenti est bien sûr subjectif, et je comprends qu’on puisse y voir un chef-d’œuvre esthétique. Mais pour moi, l’émotion est l’âme du cinéma, et ici, elle était absente.