Il faut l'avouer j'ai découvert Sidney Lumet assez fortuitement. Tout d'abord "7h58 ce samedi-là" lors de sa sortie en salle. J'ai cru qu'il s'agissait du film d'un jeune réalisateur talentueux. Ensuite "Point Limite", que mon père m'avait recommandé, à juste titre. Là, j'ai tiqué ; s'agissait-il d'un homonyme ?
Puis Internet s'est infiltré chez moi, et sa lumière m'a éblouit : l'homme était un réalisateur américain assez renommé en réalité. Je vis alors, il y a deux ans, "Un après-midi de chien". Le meilleurs film de braquage que j'ai vu à ce jour. J'avais donc affaire à un orfèvre.
Puis vins Sens Critique. Je vis donc "Douze Hommes en colère". Ce fut l'étincelle qui réanima définitivement la flamme vacillante de mon amour pour le cinéma. Des années de films médiocres, spectacles indigestes et formatés qui m'avait blasé, entamant sérieusement ma curiosité dans le domaine. Merci donc aux créateurs de Sens Critique et à ses membres actifs, merci de m'avoir réveillé.
Je digresse, je digresse, venons-en à "Network". Ayant vécu hors du champ d'influence de la TV depuis mon enfance, j'ai été le témoin privilégié, et transi d'effroi, de l’influence délirante de ce média sur mes contemporains, en particulier sur mes amis et sur mes collègues. J'ai pu constater in vivo le pouvoir conformiste de la télévision sur les esprits, la "fabrication du consentement" chère à Noam Chomsky, et ce quasi-quotidiennement (un peu moins depuis l'essor d'internet, un mal chassant l'autre). L'un des indicateur les plus révélateur étant ces regards inquiets / apeurés / dubitatifs / réprobateurs qui se dessinent sur les visages lorsque je déclare benoitement "oh, moi, je ne regarde pas la télévision". Le même regard que celui d'un croyant auquel vous affirmeriez "oh, moi, je ne crois pas en Dieu". J'exagère à peine.
A la lecture du synopsis de "Network" je sus que ce film avait toute les chances de me plaire. Le réalisateur m'ayant déjà prouvé son habileté et son intelligence, je devinais un bon film caustique sur le milieu de la télévision. Et c'est le cas. Mais c'est avant tous un film sur la folie. Pas uniquement la folie d'un homme seul, mais la folie des tous les hommes (et femmes) gravitant dans ce milieu, et celle de ceux qui font exister ce média par leur consommation imbécile d'image.
Des dialogues ciselés, des acteurs habités et la réalisation sans bavures modèlent cette fable d'une noirceur absolue sur la folie fébrile qui guide les maîtres de ce "mass média", créatures possédées par une ambition irrationnelle et insatiable. Même les personnages disposant d'une bribe de conscience, témoins impuissants d'une course au profit absurde et inhumaine, n'en sortent pas grandis.
Ce film fut un véritable coup de cœur, mais depuis j'en ai eu tant d'autres... Après quelques années ées sur SensCritique, ma vue s'est améliorée. Survivra-t-il à l'évolution de ma vision de cinéma ? Je parie que oui. Encore quelques années, et je le reverrai.
Pour finir, je formulerai un souhait : il serait intéressant qu'un cinéaste de notre époque produise une œuvre d'une qualité équivalente, sur la thématique des nouvelles formes d'aliénation de l'individu, encore plus insidieuses, qui sont apparues ses dernières années sur Internet. Une tâche ardue. Ce serait une œuvre de salubrité publique.
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