La Chine possède l'une des plus grandes richesses culturelles du monde, de par son art, son histoire et sa mythologie. Tant d'éléments qui ne demandent qu'à être réinventés et sublimés au cinéma. Pourtant, bien que le 7ème art ait été introduit assez tôt en Chine après les frères Lumière, son développement a été freiné par différents facteurs historiques, tels que : la colonisation partielle, les guerres civiles, l'invasion japonaise et la révolution culturelle. L'industrie étant restée longtemps fragile politiquement et économiquement, il a donc fallu attendre un certain temps avant de voir s'imposer les premiers classiques du cinéma chinois, notamment dans le domaine de l'animation.
Là où Disney sortait son premier long-métrage d'animation en couleur en 1937, soit Blanche-Neige et les Sept Nains, il a fallu attendre 1941 avant que la Chine ne produise son premier véritable long-métrage d'animation en noir et blanc : La princesse à l'éventail de fer, inspiré du roman classique La pérégrination vers l'ouest.
Quelques classiques en couleur ont suivi entre 1960 et 1990, sans jamais vraiment sortir du marché local. Ce n'est qu'à partir de 2016, avec Big Fish & Begonia, que le cinéma d'animation chinois commence réellement à percer à l'international. Et pourtant, les quelques métrages à succès sortis ces dernières années sont rarement parvenus jusqu'à nous. Ne Zha, premier du nom, en est un parfait exemple. Malgré un succès phénoménal en 2019, il est resté presque invisible en . Il aura fallu attendre que Ne Zha 2 explose les compteurs (plus d'un milliard en quelques semaines dans le pays et presque deux milliards dans le reste du monde) et se hisse dans le top 10 des plus gros succès au box-office mondial, pour être diffusé en . Tant mieux, car ce film, bien que perfectible, mérite largement le détour.
Mais concrètement, qu’est-ce que ça raconte ? : Basé sur le célèbre roman chinois L'investiture des dieux, Ne Zha naît d’une étrange boule de chair après une grossesse de trois ans et demi. Enfant doté de pouvoirs extraordinaires, il provoque la colère du roi-dragon des mers de l’Ouest en tuant son fils. Pour protéger sa famille, il se sacrifie et meurt prématurément. Mais son maître taoïste, Taiyi Zhenren, le ramène à la vie en lui forgeant un nouveau corps à partir d’un lotus sacré. Ressuscité, Ne Zha devient un redoutable guerrier céleste, menant de grandes batailles contre les forces du chaos et jouant un rôle crucial dans l’instauration d’un nouvel ordre divin.
L’adaptation reste globalement fidèle au roman, tout en opérant quelques ajustements et modernisations. Mais à l'instar de Disney, qui s'approprie les mythes pour les rendre plus accessibles à un public occidental, les studios chinois choisissent une approche plus respectueuse et ancrée dans leur culture. C’est une des choses qui rendent Ne Zha 2 aussi riche et captivant : on y découvre la culture chinoise à travers le regard de son peuple, libéré des filtres et de l'appropriation culturelle.
Mais que vaut réellement ce film ? Techniquement, Ne Zha 2 est bien la claque visuelle que l'on nous a promise. Il regorge de combats épiques, créatifs, chorégraphiés, et de décors sublimes imprégnés de mythologie. Le gigantisme et la puissance de certaines batailles font presque er Le Seigneur des Anneaux pour pâle en comparaison.
L’émotion n’est pas en reste, avec de véritables drames, des choix de mise en scène puissants et même quelques séquences tragiques – rare dans l’animation grand public.
Mais tout n’est pas parfait. Le principal défaut, malheureusement assez pesant, est son humour pipi-caca, façon Moi, moche et méchant, totalement en décalage avec le reste. On aurait aimé que le film assume son sérieux, qu’il renonce à ces blagues destinés aux moins de trois ans, qui viennent parasiter l’intensité dramatique.
Certains gags, plus mesurés, parviennent parfois à faire mouche. Ils sont d’ailleurs concentrés dans la première partie du film. Mais d'autres, surgissent sans raison entre deux effusions de sang ou en pleine scène de combat, brisant complètement l’immersion. Cette oscillation entre grandiose, drame et ridicule empêche Ne Zha 2 d’atteindre le statut de chef-d’œuvre. Et c'est dommage.
Mais n'exagérons rien, malgré ce défaut de ton, l’histoire reste efficace, portée par des personnages charismatiques et bien écrits, ainsi qu’un message fort sur la parentalité : doit-on imposer un destin à ses enfants, ou les laisser tracer leur propre voie ? Un thème universel, mais particulièrement parlant dans la culture chinoise.
Techniquement, cette suite sure le premier film en termes de grandiose et de qualité visuelle. Son intrigue semble même légèrement plus travaillée. Il est simplement dommage que le premier film Ne Zha soit resté aussi confidentiel en . Un défaut qui va sans doute affecter la place du suivant dans les salles françaises. Malgré ses qualités indéniables, le visionnage du premier film reste indispensable pour une compréhension totale du second opus. Idem en ce qui concerne l'absence d'un doublage français. Bien que lire les sous-titres ne soit pas problématique dans la plupart des films, ça le devient dans un film comme Ne Zha 2, qui compte beaucoup sur son visuel. Cette contrainte empêche de profiter pleinement du spectacle.
En conclusion, Ne Zha 2 est une œuvre impressionnante, immersive et ambitieuse, qui prouve que l’animation chinoise a tout pour rivaliser avec les géants du genre. Visuellement bluffant, épique, chargé d’émotion et riche de sa culture, le film aurait pu devenir un véritable phénomène en … s’il avait été un peu plus accessible, et s’il avait su assumer un ton plus mature. Il n’en reste pas moins un film à découvrir absolument, qui témoigne du potentiel énorme du cinéma chinois.