Au fil de sa carrière, Cronemberg semble aiguiser le tranchant de son cinéma par un traitement de plus en plus clinique. Aux excès insolites d’un Crash ou Faux semblants, aux saillies violentes des deux films avec Mortensen succède la période Pattison. Acérée comme du Easton Ellis, froide et désenchantée, elle remue les cendres d’un monde qui pense toujours pouvoir avancer.
Maps to the stars nous donne l’illusion de traiter d’Hollywood. Certes, l’action s’y déroule et phagocyte les personnages, certes, c’est bien l’industrie du rêve qui vide les êtres de toute capacité à vivre ailleurs que par le filtre d’un écran.
Mais le véritable sujet semble bien l’intimité des protagonistes, et leur rapport à un autre media, celui de leur psyché malade : chacun ses projections, par l’entremise de fantômes ou de marques sur la peau. C’est dans les intérieurs que Cronenberg s’engouffre, avec un gout prononcé pour les architectures tendances : vaste, épurées, aux lignes impeccables, elles surcadrent les habitants, les enferment autant qu’elles révèlent leur profonde béance.
La mise en scène épouse cette esthétique : tout est effroyablement impeccable, froid et méthodique. Le contrôle est discret mais constant, à l’image des visages des personnages, et particulièrement celui de la jeune star de 13 ans, angélique et robotique à la fois.
Le véritable enjeu du récit est celui du nœud familial, exacerbé par l’inceste. Dans la tragédie, celui-ci est unique, cathartique et focalise tous les enjeux, jusqu’à provoquer la peste sur une ville. Ici, la relecture du XXIè siècle change la donne. L’inceste est partout, la famille déviante semble être la conséquence d’une humanité qui, par désœuvrement ou déchéance, aurait été jusqu’à expérimenter le potentiel de ces extrémités.
Tout est réversible, et la belle première scène entre Cusack et Moore donne le ton : une séance violente et perverses qu’on peut autant assimiler à du SM que de la thérapie.
Si le contexte hollywoodien a un intérêt, c’est bien dans le rapport malsain qu’entretiennent les personnages à leur perversité : tour à tour, chacun pitche ses abimes, et pense tenir un sujet, renvoi habile à la fascination du cinéaste pour ces thématiques.
En revanche, la dénonciation de l’usine à rêve ne fait malheureusement pas l’économie d’un didactisme poussif. Les motifs du vieillissement de Moore, de l’obsession de fric et de tournée de promo de Cusack, celle du plus jeune encore qui volerait la vedette à la jeune star, outre qu’ils sont éculés, ne font pas preuve de subtilité et alourdissent l’ensemble.
Quand il traite de la famille post moderne, de la tragédie sans dieu, Maps to the stars est un labyrinthe assez fascinant. Lorsqu’il atteint les étoiles en question et tente de les circonscrire, il retombe paradoxalement un peu trop bas sur terre.
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