Le-film-adapté-de-Jane-Austen est un genre en soi : pour peu qu’on sache ce qu’on est en droit d’en attendre, il y a de fortes chances de er un bon moment.
Tiré d’un roman épistolaire de jeunesse, Love & Friendship creuse les sujets chers à la romancière anglaise : manigances dans les hautes sphères aristocrates, mariages arrangés et amour réelles, persiflages et solidarités.
La satire fonctionne à plein régime : ce petit monde n’est figé que dans son décorum, et exacerbe par là-même les stratégies les plus retorses pour que l’individu parvienne à ses fins. Concentré autour de la figure de Susan (Kate Beckinsale, omniprésente et parfaite), veuve indépendante et machiavélique, le récit s’organise au gré de ses désirs et son émancipation, au mépris de toute morale ou sens des convenance : contre ses amis, sa famille, sa propre fille, le tout dans une atmosphère de comédie raffinée.
Résolument littéraire, le film ne s’impose pas par ses caractéristiques visuelles : c’est la parole qui importe, toute en saillies pince sans rire, essence même de cette appréhension britannique des rapports humains. Les répliques sont intelligentes, impeccables et incisives, tout comme l’est l’ensemble du casting, déployant les différentes figures attendues : l’Américaine, la belle-sœur, les parents, la fille à marier, le jeune prétendant…
Enfin, l’humour fonctionne surtout par une guerre des sexes qui ne dit pas son nom : qu’elles soient alliées ou non, les femmes mobilisent une intelligence et un art de l’implicite que les hommes ne sont tout simplement pas en mesure de déceler. Gentils (c’est-à-dire naïfs), idéalistes (c’est-à-dire influençables), heureux (c’est-à-dire imbéciles), les hommes en prennent pour leur grade, avec cette grâce toute anglaise qui consiste à ne s’en point rendre compte, et donc ne pas s’en plaindre. Mention spéciale au riche prétendant, Tom Bennett, absolument génial dans l’incarnation définitive de la crétinerie joviale : le voir s’extasier face à une assiette de petits pois est un plaisir qu’on rencontre trop peu dans les comédies contemporaines.
L’adaptation est effectivement sage, voire scolaire : mais c’est peut-être aussi là la réussite du film : respecter la richesse du texte originel, se mettre à son service pour en extraire toute la saveur au profit d’une comédie réjouissante.
(6.5/10)