Cela commence par un générique comme on en fait plus de nos jours avec des noms sur fond noir et de la musique. La forme déroute d'abord dans sa narration, nous lâchant de véritable portraits annotés pour nous présenter les personnages. J'ai l'impression d'avoir ouvert une pièce de théâtre chez le libraire.
C'est une histoire typique de Jane Austen, actualisée et augmentée. Si le genre épistolaire est vraiment quelque chose de désuet (qui au 21ème siècle écrirait encore comme ça ?), son adaptation n'est pas sans poser de problèmes, à commencer par l'absence de dialogue et les biais de narration que le genre comporte. Quoi de mieux pour une histoire de manipulatrice ?
Je trouve que Whit Stillman s'en est très bien sorti, notamment en ce qui concerne le travail de réécriture. La langue est acerbe, l'anglais sonne comme un nectar coulant, Jane Austen n'aurait pas fait mieux.
L'œuvre adapté bénéficie également de sa fraîcheur d'œuvre méconnue, loin des rebattus Raison et Sentiment et Orgueil et Préjugés qu'on nous adapte tous les deux ans en film ou en série ; Love & Friendship est une vraie comédie sociale qui fait la nique aux bonnes mœurs. Stillman a fait de sa Lady Susan une Kate Beckinsale flamboyante et moderne, une femme libérée qui créé bien des remous dans la petite mare de l'aristocratie anglaise et manœuvre son frêle esquif pour ne pas couler. Je ne sais pas si je l'adore pour ce qu'elle représente, ou si je la déteste pour sa conduite envers les autres.
Sous le duvet de la langue et de l'étiquette, c'est avant tout l'histoire d'une femme qui se bat pour survivre.