Le MCU fait déjà tant dans la dilution au sein de ses opus majeurs qu’aller voir du côté des spin-off ou des films Marvel par les autres studios fait tout sauf envie. Les aventures solo de Wolverine ne m’ont jamais intéressées, et je n’accordais pas plus de crédit à ce nouvel opus, jusqu’à sa bande annonce.
(Ou comment transcender n’importe quelle séquence d’images par une musique sublime : Johnny Cash vous e un onguent émotionnel sur les images les plus éculées, ça en relève du miracle.)
Logan bénéficie donc de cette nouvelle logique marketing en vigueur chez les Majors, et qui consiste à ne pas hésiter à (officiellement) perdre une partie du public en salle en affrontant la classification R. C’est malin à plus d’un titre : parce que le film est précédé d’un buzz distinctif (la violence y sera brute), qu’on y verra un gage auteuriste (le réalisateur est intègre et n’a pas voulu faire de concession) et que, forcément, le public s’y précipitera pour juger sur pièce l’audace annoncée. Ça peut fonctionner, ou ça peut donner Deadpool, qui par ailleurs a très bien marché en termes de box-office.
Logan joue aussi cette carte consistant à revenir aux sources et à l’individu, après des aventures qu’on et totalement artificielles pour étirer la franchise. Comme l’a fait Stallone avant lui (les derniers opus de ses sagas intitulés sombrement John Rambo ou Rocky Balboa), le titre tient du mythe (le héros n’est plus à présenter) et de l’épure (foin de fioritures dans sa périphérie, concentrons-nous sur les adieux d’une légende).
Autant d’éléments qui ne trompent pas le public averti en terme de formatage, et qui, pourtant, font de ce blockbuster une réussite.
La violence annoncée est bien là, mais dée souvent la simple surenchère inhérente au genre : la scène introductive donne en cela le ton : il ne s’agit pas tant d’héroïsme que d’un massacre, d’une perte de contrôle de pulsions qui ne permettent pas vraiment au spectateur de satisfaire ses désirs revanchards. C’est le même principe qui conduit le premier combat de Laura, enfant certes dextre, permettant de nouveaux types de chorégraphie en terme de corps à corps, mais aussi effrayante et monstrueuse.
Logan est un film désespéré, et qui réussit la plupart du temps à trouver la ligne mélodique d’un requiem. Les décors, superbes, de la planque des 3 mutants, l’atmosphère de western (les longues citations de Shane étaient néanmoins dispensables) ou les regards désabusés sur un futur décati entre en résonnance avec des personnages au stade terminal. Le lien entre Logan et Charles est authentique car dénué de l’aseptisation généralement en vigueur dans de pareilles production, et les scènes d’action vont chercher du côté de Mad Max, voire du film de genre (le massacre de la famille de paysans).
Le même traitement est assigné à la thématique ô combien risquée de l’enfance : Laura, mutique et dangereuse, évite tous les poncifs de son âge, et jouit d’une réelle présence à l’écran, son regard évoquant à la fois l’adulte que fut Jean Grey ou l’ado malin Quicksilver.
On pourra reprocher au film de sacrifier à certains ages obligés dont on aurait pu se er : rejouer la galerie de personnages aux aptitudes, annonçant une nouvelle génération de X-men, est assez lassant, de même que le tic consistant à dédoubler l’acteur principal dans un combat avec lui-même, rengaine qu’on voyait déjà dans le récent Alien Covenant ; l’intrigue n’est pas foncièrement originale, et très linéaire.
Mais ce dernier point fait justement la force du film : dépouillé des artifices gratuits de récits essorés par des twists stériles, elle suit un parcours qu’on sait inéluctable, celui d’une conclusion bienvenue et attendue.
Le blockbuster, et l’univers Marvel a fortiori, souffre de cette maladie consistant à traiter stérilement de la fin du monde et des voies héroïques pour en infléchir invariablement l’avènement. Logan évite ce piège en traitant de la fin d’un monde : à l’échelle d’un individu, soudain, surgit alors une saveur qu’on croyait perdue pour ce genre de film : l’émotion.
(7.5/10)