Les Damnés
5.7
Les Damnés

Film de Roberto Minervini (2024)

Western froid

Quand on constate le soin immense apporté à la forme, le premier sentiment qui suit tient au regret : celui de ne pas avoir trouvé une contrepartie aussi conséquente dans le fond. Les Damnés, faux western réalisé par Roberto Minervini, appartient à une frange contemporaine d'un renouveau mineur du genre, dans laquelle on retrouve par exemple Jauja (de Lisandro Alonso, avec Viggo Mortensen). Des westerns qui n'en ont quasiment que le nom et qui misent tout sur la dimension atmosphérique des lieux — sans surprise, il est souvent question d'errance.


On est placé ici au début de la guerre de Sécession, durant l'hiver 1862, et ce sera essentiellement tout ce qui sera de plus explicite. Tout le reste : les pérégrinations de soldats de l'Union qui sont envoyés en éclaireurs à l'ouest, et qui semblent aussi peu au courant de ce qu'ils sont censés y faire. C'est la chose la plus déroutante : la photographie est somptueuse, le travail au niveau des costumes et des accessoires est évident, mais il est impossible de ne pas ressentir un manque. L'idée de produire un film aussi contemplatif est loin d'être rebutante en soi : il y a même des cinéastes qui en ont fait une spécialité, comme Terrence Malick — jusqu'à la caricature, récemment, en ce qui me concerne. Mais la sensation d'être é à côté d'un grand moment de cinéma est tenace, tant il aurait suffi d'un minimum de matière pour convertir cet exercice de style gangréné par sa vanité en voyage immersif hypnotisant.


Le caractère éminemment introspectif du voyage a ses arguments : on voit les soldats questionner différentes choses (leur engagement, le maniement des armes, leur foi). Et il se marie irablement bien avec la dimension exploratoire de la mission, sur ces terres inexplorées. On nage en plein récit de perdition, on se concentre sur une somme de détails (prendre soin des chevaux, monter un camp, se laver dans cet environnement inhospitalier), avec plus ou moins de réussite — globalement l'ambiance est captivante, mais il arrive un moment où l'on se lasse des jeux de cartes et des cours d'entretien ou de manipulation des armes à feu. L'esthétique acérée et la recherche constante d'un lyrisme de la nature ne suffisent pas, visiblement, à supplanter des enjeux de fond. Surtout quand il s'agit d'évoquer des sujets aussi classiques que l'absurdité de la guerre et quand on e les minutes introductives à contempler des loups dépecer leur proie. Les images, elles, resteront, à n'en pas douter.


https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Les-Damnes-de-Roberto-Minervini-2024

5
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Top films 2024

Créée

le 29 janv. 2025

Critique lue 237 fois

3 j'aime

3 commentaires

Morrinson

Écrit par

Critique lue 237 fois

3
3

D'autres avis sur Les Damnés

A force with no names

On attribue - faussement, apparemment – à François Truffaut l’affirmation selon laquelle tout film sur la guerre finit par lui être favorable. Sa matière épique ne peut que conduire le spectateur à...

le 14 févr. 2025

13 j'aime

4

Guerre sans horizon

Même s'il est probable que la route des damnés ne sera pas parsemée de récompenses et ne le mènera pas à la postérité, il serait un peu maladroit de rejeter d'emblée un film dont le matériau est...

Par

le 20 févr. 2025

7 j'aime

3

Où sont les hommes?

Roberto Minervini marche sur un terrain miné en réalisant un film de guerre pour lequel il refuse d’écrire un vrai scénario, de développer une narration digne de ce nom, de construire des...

Par

le 26 oct. 2024

4 j'aime

2

Du même critique

Boyhood, chronique d'une désillusion

Ceci n'est pas vraiment une critique, mais je n'ai pas trouvé le bouton "Écrire la chronique d'une désillusion" sur SC. Une question me hante depuis que les lumières se sont rallumées. Comment...

Par

le 20 juil. 2014

144 j'aime

54

Batman, évidemment

"Birdman", le film sur cet acteur en pleine rédemption à Broadway, des années après la gloire du super-héros qu'il incarnait, n'est pas si mal. Il ose, il expérimente, il questionne, pas toujours...

Par

le 10 janv. 2015

140 j'aime

21

Her

Her

Her est un film américain réalisé par Spike Jonze, sorti aux États-Unis en 2013 et prévu en pour le 19 mars 2014. Plutôt que de définir cette œuvre comme une "comédie de science-fiction", je...

Par

le 8 mars 2014

126 j'aime

11