(cette critique contient des éléments pouvant être considérés comme des spoilers)
«Les chansons que mes frères m'ont apprises» est le premier film de la réalisatrice Chloé Zhao. Pour ce long métrage elle a choisit de nous plonger au cœur d'une réserve indienne du Dakota ; pour bien s'imprégner de cet univers elle y a d'ailleurs vécue pendant quelques années. Le film, qui se rapproche finalement du documentaire, nous raconte l'histoire d'une famille de cette réserve. Johnny (John Reddy) qui vit avec sa sœur Jashsaun (Jashsaun St. John) et sa mère, Lisa (Irene Bedard), a comme projet de partir vivre à Los Angeles avec sa petite amie (Taysha Fuller). Pour cela il revend de l'alcool dans la réserve, pour se payer un camion, bien que cela soit interdit, il contribue donc lui même sans vraiment en avoir conscience à l'auto-destruction des personnages de cette réserve qui est grandement atteinte par l'alcool et la drogue. On le sent fasciné par ce voyage qu'il s'apprête à faire, c'est un peu son age à l'âge adulte, mais on sent également une certaine peur ; peur de l'inconnu, de quitter l'endroit dans lequel il a vécu depuis toujours. Il cache cette intention de partir à sa famille, et la mort de son père ne fait que compliquer les choses. Même s'ils le connaissait très peu étant donné qu'il avait au total 25 enfants avec 9 femmes différentes, sa mort affecte cette famille et plus particulièrement Jashsaun, la petite sœur. Quand elle découvre les projets de son frère elle se sent trahie, en effet on voit bien qu'ils sont très proches l'un de l'autre et que c'est son frère qui faisait figure de père chez elle, son départ signifierait donc pour elle une perte de repères. On la voit tout au long du film, chercher comme un « remplaçant » auprès de ses autres frères qu'elle connaît très peu. Le film, au-delà du scénario, est très beau sur le plan esthétique. Certaines images, notamment des paysages de la réserve, sont magnifiques, une telle beauté au niveau des plans étaient nécessaire car c'est un film qui par rapport à la moyenne est pauvre en dialogues, il y a donc de nombreuses scènes sans paroles.
La fin est très touchante, et poétique. Johnny se rend compte qu'il n'est pas prêt à quitter tout ça, toute sa vie en quelque sorte et surtout pas sa sœur. C'est une des scènes sans dialogues mais ce n'est pas dérangeant au contraire, on sent bien l'amour fraternel et le soulagement de Jashsaun quand elle le voit revenir, finalement parfois les mots ne sont pas une necessité.
J'ai beaucoup aimé ce film, malgré ses longueurs qui m'ont parfois gênées, et notamment car je me suis beaucoup identifié au personnage de Jashsaun. Bien que notre situation soit différente, j'ai également un grand frère dont je suis très proche, j'ai donc pu, tout au long du film, comprendre son sentiment de trahison et de rejet, ça m'a beaucoup touché.