" Il fait beau comme jamais ... "
Les chansons d'amour est un film d'une puissance dévastatrice dans ma vie. Je ne compte même plus le nombre de visionnages que j'ai pu effectuer, c'est sûrement bien trop pour que cette critique soit objective ... Alors seulement, pourquoi lui ? C'est comme en amour: pourquoi Alice s’incruste-t-elle avec autant de force chez Ismaël et Julie à la fois tendrement attaché l'un à l'autre mais en pleine crise des sentiments "tu vivrais mieux seul" ? C'est sur un bilan même pas fini que Julie fout le camp. Elle tombe, ne se relève pas. Derrière elle, elle laisse un trio scindé qui " se [fait] lèvres contre lèvres un dialogue de sourds", une famille en deuil et qui cherche de l'espoir chez un homme dévasté condamné à la joie pour porter toute la famille. Deux sœurs, un père, une mère: une famille qui ne s'en sort "objectivement, pas du tout".
Honoré n'est pas seulement un cinéaste qui livre une histoire, c'est un joueur, un complice qui se déguste. D'abord par sa collaboration miraculeuse et précieuse avec Alex Beaupain, qui écrit des chansons-dialogues magnifiques (plus d'info ici http://sens.sc/17NkL2p), que dis-je mélancoliques, fragiles, dégueulasses, puissantes et ... vibrantes. Les acteurs s'y livrent sans fard aucun. Puis, Honoré joue en cinéphile avec son spectateur, référençant des détails qui pourtant ne font pas perdre de souffle à son film. Car son film est avant tout exalté, déchirant, drôle, parfois troublant. Il met en scène des personnages attachants qui voudraient se donner des leçons et se font avoir dans leurs vies par la mort, celle devant laquelle ils se retrouvent impuissants et se mettent à chanter, crier leur désastre, à s'accrocher les uns aux autres. Pour Honoré, le rapport à l'acteur est un rapport amoureux ( voir le "Le livre pour enfant"), ses acteurs sont aussi de grands joueurs et "Les chansons d'amour" restent notre premier et plus fort amour envers le cinéma d'Honoré. A dévorer toujours, sans pause, sans modération et sans peur de s'en lasser.
Comme en amour donc, comme devant la mort, c'est impossible d'expliquer ce qu'on ressent, quand Alice (Clothilde Hesme, parfaite) pleure doucement dans son taxi, quand Ismaël (Louis Garrel) chante "Les yeux au ciel", dans les rues de Paris, dévasté, dévastateur surtout. Ou encore quand la soeur de Julie (Chiara Mastroianni) chante combien rien, jamais, n'aura plus la même saveur. Ce qu'on ressent alors part dans tous les sens, ça s'affole et c'est fort agréable, fort rare surtout. Finalement, tous ces personnages, à la dérive, finissent par se dire qu'il faut, peut-être, aimer moins pour que dure l'amour. Que l'on prône l'amour éphémère de la jeunesse, ou la maturité d'un amour qui peut durer malgré qu'il soit celui que l'on trouve parce que l’on est perdu, celui qui "Lave" une mémoire salie et qui doit mourir une seconde fois, une chose est sûr ici: après le deuil, la renaissance.