Le Robot sauvage
7.5
Le Robot sauvage

Long-métrage d'animation de Chris Sanders (2024)

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Dream-ReWorks

On peut dire que DreamWorks fonctionne en dents de scie ces derniers temps. Le studio s’est entaché de gros ratés, particulièrement insipides (Ruby l'ado Kraken, Les Trolls 3 ou plus récemment Kung Fu Panda 4), mais a également fait preuve de certains coups d'éclat, comme l'excellent (et très sous-estimé) Les Bad Guys, ou encore Le Chat Potté 2, que je range personnellement au rang de chef-d'œuvre d'animation. Le studio revient ici avec Le Robot Sauvage, écrit et réalisé par Chris Sanders, le monsieur derrière (entre autres) le premier Dragons, Les Croods, ou encore Lilo & Stitch. CV plutôt solide.

Comment ne pas commencer par les visuels du long-métrage, tout bonnement splendides. L'œuvre réutilise majoritairement la palette graphique du Chat Potté 2, avec notamment cet aspect aquarelle/peinture vivante, et ces teintes pastel (couleurs ocres pour la nature, et rouge/rose pour le feu). Le long-métrage a coûté 70M$, soit presque 3 fois moins que Vice-Versa 2, et se révèle pourtant bien être le film d’animation le plus éblouissant de l’année. Certains décors s’apparentent à de véritables toiles, et on finit par arrêter de compter le nombre de plans époustouflants, d'une grandeur et d'une dimension épique sidérante.

Une poésie globale sublimée par une très jolie bande originale signée Kris Bowers, rythmant bien souvent les actions et mouvements de nos personnages.

Cet artisanat grandiose est par ailleurs enrichi d’une mise en scène géniale. Le film propose très régulièrement des mouvements de caméras particulièrement travaillés (et réalistes), avec un jeu sur la profondeur de l'image assez dément. À cela s’ajoute une frénésie visuelle lors des séquences d'action, et un sentiment de mouvement permanent qui se dégage de l’ensemble.

Un sentiment qui ne se fait jamais au détriment de la lisibilité, grâce à un montage assez remarquable. De plus, cette frénésie est merveilleusement contrebalancée par des décors assez épurés, à l'image de la nature que le film retranscrit : calme et pure.

Remarque intéressante, le long-métrage n’hésite pas à aller piocher dans divers films d’animation populaires, récents ou non. Le début par exemple, présentant ce robot quasi-muet, n'est pas sans rappeler Wall-E, avant de dériver vers un questionnement de la programmation robotique, rappelant l’excellent Les Mitchell contre les Machines.

De même, l’œuvre fait des allusions permanentes au Géant de Fer de Brad Bird, en troquant la relation robot/humain pour une relation robot/animal. Enfin, le long-métrage développe tout un arc scénaristique autour de l’oie Joli-Bec, ressemblant comme deux gouttes d’eau au récit du très bon Migration, sorti l'an dernier.

Quatre excellents morceaux, pour un festin visuel et narratif inévitablement savoureux.

Mais Le Robot Sauvage déborde également de tout le savoir-faire DreamWorks, en citant régulièrement les œuvres récentes les plus brillantes du studio. Premièrement dans le filmage des divers séquences d'envol et de voltige, où on sent la patte du réalisateur qui a travaillé sur Dragons. Mais surtout par le personnage du renard, qui semble calqué sur le Chat Potté (dans le second opus du même nom). Déjà de par son character design, quasiment identique (notamment au niveau des yeux), mais aussi dans sa caractérisation. À savoir un grand et beau parleur, qui renferme ici un manque d'affection dévorant (contre un trouble anxieux dans Le Chat Potté 2).

Au-delà du pur aspect visuel, la force principale de l'œuvre réside finalement dans son nombre d'idées, purement hallucinant. On sent que le film s'adresse majoritairement aux enfants, et il est certes dommage de retrouver certains carcans scénaristiques vus et revus. Mais impossible de s'agacer de ces rails un peu convenus, tant de nouvelles idées créatives apparaissent constamment à l’écran.

Le récit, quoique simple, est extraordinairement efficace, avec un nombre incalculable de moments bouleversants (également appelés énormes envies de chialer) lors de ma séance. Et notamment ce fichu envol de bord de falaise, véritable apogée visuelle/sonore de l’œuvre. Certains pourront y voir un récit trop larmoyant, voire un sidekick dégoulinant de mignonnerie, et donc un peu facile. Mais chaque personnage de ce trio a en réalité ses propres thématiques et questionnements (particulièrement bien traités par ailleurs), et chacun touche donc le spectateur d'une manière unique.

De même, là où le film se révèle brillant, c’est qu’il ne puise pas son émotion dans de la tristesse appuyée, mais au contraire dans de pures et belles émotions. Et faire surgir des larmes en dépeignant simplement de la bonté, c'est assez rare pour être souligné.

Et à titre personnel, l'ensemble a complètement réussi à me replonger en enfance, avec un discours magnifiquement dosé sur la bienveillance et l'entraide. Il est de même ionnant de voir ce questionnement de la robotique, devant surer sa conscience initialement programmée, afin de sortir d'une existence sensiblement vaine. L'œuvre omet par ailleurs quasi-intégralement les humains de son récit, souhaitant d’avantage s'attarder sur les comportements animaliers. Et proposant ainsi une jolie revisite de la brutalité de la nature, mais aussi de la question de la mort et de la cruauté au sein de la chaîne alimentaire.

Et alors que la thématique de l'anxiété et des crises d'angoisse m'avait beaucoup touché dans le Chat Potté 2, la représentation ici de l'amour (maternel et amical), mais surtout de la distinction entre la conscience (cerveau) et les émotions pures (l'âme), est saisissante. Le tout porté par un doublage (en VO) d'excellente facture, que ce soit la très bonne Lupita Nyong'o en voix robotique, Kit Connor en oie, ou encore Pedro Pascal en renard impertinent. Aussi improbable que réussi.

Pour conclure, je suis convaincu que tout cet enthousiasme personnel sera également le vôtre. En témoigne le magnifique moment collectif que j’ai vécu lors de ma séance, où tout le monde semble s'être pris une vraie belle claque. Au point où personne n'a bougé ni parlé pendant l'entièreté du générique de fin, chose que j'ai très rarement vécu au cinéma (et c'est pas faute d'y aller).

Bref, le film n’aura clairement pas le même succès qu’un Vice-Versa 2, mais le public peut montrer qu’il est prêt à soutenir ce genre de propositions. Il est en effet essentiel d’encourager cette ambition créative, et d’autant plus quand elle est mise au service d’univers originaux (et non de suites). Donc, si vous le pouvez, allez en salles !

Véritable maelström émotionnel, Le Robot Sauvage est un pur moment hors-du-temps, un voyage sensoriel inoubliable, porté par une poésie visuelle et narrative bouleversante. Une ode à la bienveillance, au vivre-ensemble et à l’amour.

Mais surtout un de mes plus grands moments cinéma de 2024.


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le 19 oct. 2024

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