Les monstres ne sont pas toujours ceux que l’on croit

Sorti en 2016 et réalisé par Mamoru Hosoda, Le Garçon et la Bête c'est la rencontre entre le monde des humains avec le jeune garçon Ren/Kyuta et le monde des animaux (le royaume des bêtes) avec le guerrier bestial Kumatetsu. Le Garçon et la Bête c'est deux films en un, avec une première partie en mode conte initiatique et une seconde partie qui raconte un conflit comme dans Summer Wars du même auteur. Et disons le tout de suite, j'ai beaucoup plus accroché à la première partie du film qui est plein d'allant, qu'à la seconde qui est assez boursouflée.

Ren a seulement neuf ans lorsqu'il perd sa mère. Sans père ni mère, son père l'ayant abandonné à deux ans, il décide alors de fuir sa famille adoptive. C'est donc avec beaucoup de rancœur et de haine qu'il quitte ses tuteurs légaux et s'aventure seul dans les rues de Tokyo. C'est alors qu'il se pénètre dans une ruelle qui est une porte vers un autre monde, celui des bêtes. Ren tombe alors nez à nez sur Kumatetsu, un seigneur local qui a l'apparence d'un ours. Kumatetsu doit trouver un disciple et le former pour avoir le droit d'affronter Iozen, un autre seigneur qui a l'apparence d'un sanglier. Ren sera son disciple dans l'optique de devenir le nouveau roi du royaume des bêtes.

Dés les premières minutes du film, on pense irrémédiablement au Voyage de Chihiro, le chef d'œuvre de Hayao Miyasaki. Comme dans Chihiro, nous sommes plongés dans un conte initiatique où la jeune Chihiro perd de vue ses parents et pénètre dans un monde fantastique. Ici, c'est Ren qui pénètre un autre monde, celui des bêtes. Toute la première partie du film ressemble furieusement au Voyage de Chihiro, avec un récit qui emprunte tous les codes du rite initiatique. La seule différence, c'est que ce rite initiatique dure huit longues années dans Le Garçon et la Bête. On va donc suivre l'apprentissage de Ren/Kyuta (renommé ainsi par son maître) et comment il va réussir à se faire accepter en tant que seul humain parmi les bêtes. Ren suit toutes les étapes du voyage initiatique, du jeune garçon à l'adolescent, puis à l'âge adulte.

L'apprentissage terminé, on retrouve Ren huit ans plus tard et il a désormais dix sept ans. C'est à ce moment là que le film entre dans sa seconde partie et change totalement de registre. On quitte le rite initiatique pour aborder un récit plus centré sur les conflits intérieurs de Ren. Le changement de ton du film est assez déconcertant et à partir de là j'ai nettement moins adhéré au récit. Ren retombe sur la ruelle qui lui avait permis de pénétrer dans le royaume des bêtes et décide alors de faire chemin inverse et reer dans le monde des humains. Là, il va rencontrer son père, tomber plus ou moins amoureux d'une jeune étudiante et devra affronter un nouveau ennemi, Ichirôhiko le fils aîné de Iosen qui lui aussi est un humain. Que ce soit les retrouvailles avec le père, la petite amourette et l'émergence d'un nouveau antagoniste, tout semble arriver comme un cheveux dans la soupe.

Le Garçon et la Bête c'est un cas compliqué à aborder. Autant j'ai apprécié la première moitié du film en mode voyage initiatique, autant j'ai décroché dans la seconde moitié où ça part dans tous les sens. Ren laisse tomber son maitre, mais revient quand même. On nous sort du chapeau un antagoniste qui n'était même pas présenté dans la première moitié du film. On nous fait croire en une romance qui finalement ne se concrétise jamais. Et pour finir, Mamoru Hosoda convoque le père de Ren ... pour ne rien en faire. Et puis, il y a ce faux suspense dans le final (les vingt dernières minutes) où on veut nous faire croire que Ren va er du côté obscur ... mais bien sûr, c'était une fausse piste.

Mais le vrai gros problème du film, j'y reviens, c'est l'exploitation de l'antagoniste principal qui ressemble à notre jeune héros. Ren et Ichirôhiko sont pareils, ils ont été abandonnés par leurs semblables et ont accumulé beaucoup de rancœurs contre les humains. Cette rancœur est d'ailleurs symbolisée par un rond noir qui grandit au centre du cœur et qui sous entendrait que la part de haine viendrait de leur humanité. Le message est assez grossier, comme quoi les bêtes sont plus humains que les humains eux-mêmes. C'est manichéen au possible. Et on sent bien que Mamoru Hosoda veut faire de son antagoniste un personnage tragique et auquel on aimerait s'attacher ... mais ça ne fonctionne pas. C'est un peu trop peu et trop tard, j'ai envie de dire. On a pas le temps de s'attacher à lui et il n'est pas assez développé, justement parce qu'il apparait trop tard dans le film.

Bref, Le Garçon et la Bête est un film assez frustrant, avec du bon et du moins bon, à l'image de la filmographie de Mamoru Hosoda, capable du meilleur (La Traversée du temps) comme du pire (Summer Wars). J'ai apprécié le voyage initiatique qui nous embarque dans la première moitié du film, mais à partir du moment où le film change de ton, que le récit prend une autre direction et multiplie les rebondissements, j'apprécie nettement moins. Le film part dans tous les sens et a du mal à se recentrer sur la fin. Je ne serai donc pas aussi dithyrambique que certains, mais Le Garçon et la Bête propose quand même un univers intéressant et une très belle animation ... je regrette juste ce côté "fourre-tout" qui nous laisse sur une impression mitigée.

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Créée

le 10 mars 2025

Modifiée

le 12 mars 2025

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lessthantod

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