Le sujet est délicat, Fabrice du Welz prend le risque de relancer la thèse du réseau pédocriminel, ce qui est très courageux. Tous les médias parlent de Maldoror comme d'un film sur l'affaire Dutroux, sans jamais mentionner Michel Nihoul, homme d'affaires accusé des pires atrocités et d'être le chef du réseau, condamné pour trafic de drogue et association de malfaiteurs pour sa relation avec Dutroux. Il apparaît ici sous une forme fictionnelle, ce n'est pas un détail anodin. Pour cette raison, je voulais vraiment apprécier le film et le soutenir. Le personnage de Chartier est attachant et on s'identifie assez aisément à ce flic assoiffé de justice, je découvre Anthony Bajon et il me laisse une bonne impression. Puis il y a quelques scènes fortes, qui nous laissent légèrement entrevoir l'horreur. Malheureusement, trop de mauvais choix ont été faits, c'est un film qui n'est pas à la hauteur de son sujet.
En fait, c'est un film qui est effrayé par son sujet au point de l'esquiver. Il y a de nombreuses digressions et impertinences. Sur les 2h30, du Welz e beaucoup de temps à représenter les policiers comme des branquignoles incompétents, ce qui affecte le ton général. Il y a pas mal d'humour, qui fonctionne parfois, mais ça ne me semble pas approprié. Alors, je veux bien croire qu'il y ait eu des difficultés internes ralentissant l'enquête mais je pense que c'est très exagéré. Quand on lit le dossier de police qui a fuité via WikiLeaks, on se rend bien compte que le travail effectué est infiniment plus conséquent que ce qui nous est montré ici. Pire que ça, le film atténue grandement les crimes attribués au réseau. On nous montre quasiment un petit réseau de péquenauds abusant de gamines dans une camionnette, en occultant complètement la dimension sadique. Les témoins "X" (dont Régina Louf), parlent d'un réseau organisant des orgies pédophiles dans des châteaux et produisant également des snuff movies. Torture et meurtres d'enfants, et de nourrissons. Et c'est très sérieux tout ça, certains témoins apparaissent dans des vidéos pédopornographiques qui ont été retrouvées, des mêmes noms ont été cités par des témoins qui ne se connaissent pas entre eux, ils ont aussi pu identifier des lieux où des corps ont été retrouvés et même donner des détails de leur mort qui correspondent avec les rapports d'autopsie ! Je pourrais en parler longuement et Fabrice du Welz a l'air bien au courant de tout ça puisque durant la séance de questions suite à l'avant-première, il nous a parlé des 30 témoins morts mystérieusement. Rien de tout ça n'apparaît dans le film. Il y a juste un twist à la fin pour nous dire "ah ouais, peut-être que c'est un réseau plus large impliquant des gens haut placés", ça aurait dû être le sujet central. Bon, il y a quelques subtiles références, une ado prostituée évoquant Christine Van Hees et une découverte de cassettes qui peut faire penser à l'affaire Zandvoort. Ça reste traité de manière superficielle.
Je pense que du Welz a eu peur de l'étiquette complotiste ou de ne pas pouvoir faire produire le film. Il nous a parlé de ses nobles intentions, de vouloir relancer le débat et provoquer une "catharsis populaire" en s'inspirant des films uchroniques de Tarantino. Sauf que c'est très mal pensé, ça ressemble plutôt à du Uwe Boll. L'action est en shaky cam et utilise des ralentis saccadés, les méchants sont joués de manière ridicule, beaucoup de mauvais goût (les gens riaient dans la salle !). Puis les coupables restent impunis, elle où la catharsis ? En fait, je vois mal le film relancer le débat comme il le souhaite. Le sujet n'est traité que partiellement, de manière fictionnelle et parfois ridicule. Les gens iront le voir en se disant "c'est une version fictive de l'affaire Dutroux, cette histoire de réseau c'est pour le spectacle". J'ai même déjà la preuve de ce que j'avance, il suffit de lire les autres critiques SC, personne ne s'interroge sur ces questions, ils sont toujours aussi ignorants sur le sujet.
J'aimerais terminer cette critique en vous conseillant le film belge "Pure Fiction" de Marian Handwerker, sorti à l'époque. Sur la même affaire, il va beaucoup plus loin dans la dénonciation et s'intéresse à la psychologie des bourreaux. Aucun excès, ce film est froid, donc plus éthique et plus efficace vis-à-vis du sujet.