Le Dialogue des Carmélites - 1960

Recensions comparées des films de Philippe Agostini et de RL Bruckberger sorti en 1960 et de Pierre Cardinal sorti en 1984

Mais d'abord, il importe de définir le contexte de ces deux films. Les deux sont des adaptations d'un petit roman "La dernière à l'échafaud" de Gertrud Von Le fort (1931) repris sous forme de dialogues par Georges Bernanos dans un objectif scénaristique qui n'aboutira qu'après sa mort (1948).

Gertrud von Le Fort décrit dans son ouvrage, à travers l'itinéraire d'une jeune aristocrate, les derniers mois d'un couvent de carmélites en 1792 qui verra les religieuses emprisonnées en 1794 puis condamnées à l'échafaud.

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Le film d'Agostini démarre à la cérémonie d'entrée dans le Carmel de Compiègne de deux jeunes filles, Blanche et Constance. Les deux novices ont des profils complètement différents. En effet, ce n'est pas tant la foi qu'une peur panique qui habite, depuis toujours, Blanche qui voit dans le carmel enfin un refuge où elle se sentira protégée de l'extérieur du monde.

Évidemment, le contexte révolutionnaire de l'époque rendra cette sécurité recherchée bien illusoire puisque le couvent sera récupéré puis investi par les révolutionnaires envoyant les religieuses vers la vie civile avant d'être emprisonnées et condamnées à mort.

D'une façon générale, le film d'Agostini reprend beaucoup plus d'éléments du roman et s'avère bien plus précis que le téléfilm de Cardinal.

Par exemple, on comprend mieux le déroulement des évènements en distinguant bien les périodes de 1792 où l'exigence de la République est de récupérer les bâtiments conventuels et de renvoyer à la vie civile les religieuses, les "libérer" en quelque sorte de l'emprise de la religion. Puis arrive la Terreur et ses excès où les religieuses sont emprisonnées puis condamnées.

D'une façon générale, le film d'Agostini en 1960 est beaucoup plus sobre que ne sera le film de Cardinal en 1984. Les décors sont moins clinquants mais respirent une plus grande authenticité.

On retrouve aussi cette sobriété dans le traitement des évènements.

Par exemple, l'agonie de la mère supérieure (Suzanne Flon) qui est assez terrible chez Cardinal est nettement atténuée chez Agostini (Madeleine Renaud) même si le sens de la scène reste le même à savoir que la mère prieure se trouve bien seule et terrifiée au moment d'affronter la mort, niant presque l'existence de Dieu …

De même le débat entre la nouvelle mère supérieure (Mme Lidoine interprétée par Alida Valli) et Marie de l'Incarnation interprétée par Jeanne Moreau sur la nécessité ou non d'engager la communauté à travers un vœu de martyre. Comme dans le livre de G von Le Fort, on observe bien l'opposition entre la mère supérieure et la mère Marie de l'Incarnation, partisane du sacrifice. De la même façon, le prêtre associé au couvent (Georges Wilson) semble plus conciliant et moins manipulateur que dans le film de Cardinal. Simplement, le débat devient finalement inutile devant le durcissement des agissements des révolutionnaires pendant la Terreur.

La distribution du film est excellente entre Madeleine Renaud, Alida Valli en mères supérieures, pleines d'humanité. Jeanne Moreau me parait tout à fait adaptée au rôle de Marie de l'Incarnation avec ses avis tranchés, son sens aigu du devoir et son désespoir à la fin

Spoiler : de ne pas pouvoir se dre aux autres religieuses . Elle sera la seule survivante du Carmel

Il ne faut pas oublier le rôle du commissaire de la Révolution tenu par un toujours excellent Pierre Brasseur, presque tout en nuance. C'est dire ! Récitant tout haut le catéchisme révolutionnaire pour la galerie mais partisan d'une solution pacifique, négociée avec la mère supérieure de retour à la vie civile des religieuses.

Tout aurait été très bien dans ce film si seulement le son du DVD avait été correct. Pour arriver à suivre, il fut nécessaire de mettre les sous-titres …


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JeanG55

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