Les deux versions actuellement visibles du « Désert des Tartares » sont de 121 minutes pour la version française dont la restauration fut financée par le CNC, et une version italienne de 127 minutes, toutes deux assez proches de la version initiale de 140 minutes. La fin diffère quelque peu et je pense que celle de la version italienne est un non-sens au regard du roman de Dino Buzzati et des thèmes qu’il développe. La version française bénéficie d’une image à la colorimétrie somptueusement recalibrée sous le contrôle de Luciano Tovoli lui même. Le thème est celui de l’attente indéfinie d’un adversaire hypothétique et invisible qui devient obsessionnelle et la raison de vivre de ces officiers qui refusent toute mutation et transfert (à l’exception du lieutenant au début du récit). Malgré des images superbes, une partition d’Ennio Morricone qui habille remarquablement les images et une distribution prestigieuse (Jacques Perrin, Vittorio Gassman, Giuliano Gemma, Max Von Sydow, Philippe Noiret, Jean-Louis Trintignant, Fernando Rey, Laurent Terzieff, Helmut Griem, Francisco Rabal) la tension et le propos s’évaporent par instants. Ainsi l’ensemble donne l’impression d’un manque de rigueur dans la construction et un affaiblissement de l’absurdité de ce guet à la temporalité infini, face à un désert qui semble sans fin. Zurlini, alcoolique et très malade ne réalisa pas entièrement le film dont une grande partie échue à Christian de Challanges, réalisateur de la deuxième équipe et sans doute metteur en scène principal. Même si « Le désert des tartares » n’est pas complètement abouti Valerio Zurlini termine par un grand film. A voir absolument dans sa version française restaurée.