Ce long-métrage marque la première des douze collaborations entre Jean Gabin et son futur principal yes-man, Gilles Grangier. En ce qui concerne ce dernier, c'est bien simple, si le scénario -- à l'écriture duquel il pouvait participer -- était bon, son film était en général bon ; s'il était mauvais, son film était mauvais. Ce n'était pas sur lui qu'il fallait compter, le moins du monde, pour transcender quoi que ce soit avec la caméra, certainement trop occupé à s'écraser face aux désidératas de ses stars (Gabin surtout, mais aussi, parfois, Fernandel !). En conséquence, le scénario de La Vierge du Rhin étant mauvais, le film l'est aussi.
Au tout début, on est informé de ce qui se e par la voix off d'un des antagonistes de l'histoire. Est-ce que c'est pour apporter des informations que le spectateur n'est pas capable de deviner par lui-même ? Non, car celui-ci comprend très bien ce qui se e lui-même. Est-ce parce que cet antagoniste va être amené à être un personnage essentiel tout au long du récit ? Pas du tout : une fois le premier quart du film é, il n'apparaît presque plus. Bref, cette voix off introductive ne sert absolument à rien. Mais ce n'est pas le seul souci d'écriture...
La première moitié de l'ensemble paraît annoncer une atmosphère portuaire à la Simenon -- oui, je sais que c'est adapté d'un roman de Pierre Nord -- avec une analyse sombre et critique de la bourgeoisie dans tout ce qu'elle a de plus cupide et hypocrite, dont les apparences de respectabilité vont se fissurer avec l'irruption d'un élément indésirable. Mais, d'un coup, au milieu, on va er brutalement à un whodunit (alors qu'il y avait des thématiques esquissées à cre, à l'instar du milieu des mariniers ou le retour des combattants oubliés de la Seconde Guerre mondiale ; ce qui aurait sûrement rendu le film plus intéressant !). Changement de ton qui aurait pu éventuellement fonctionner si le nombre de suspects avait été supérieur à deux. Et une fois un d'entre eux très vite écarté, ben, il ne reste plus grand-chose. Ce qui n’empêche pas que le scénariste du film, Jacques Sigurd, a écrit le tout comme s’il pouvait toujours subsister le moindre mystère quant à l’identité de l’assassin. Encore s'il y avait eu en réserve un véritable retournement de situation... -- spoiler alert : non.
Et comme si cela ne suffisait pas, à l'exception bien sûr de Jean Gabin, les interprètes masculins sont tous d'une très grande fadeur. Vu les nombreux bulldozers de charisme qu'il y avait dans le cinéma français de l'époque parmi les seconds rôles, un aussi gros raté, dans le choix de la distribution, relève de l'exploit. Olivier Hussenot aurait peut-être pu relever le niveau -- après tout, il était excellent, aux côtés de Gérard Philipe, dans Fanfan la Tulipe -- si son personnage n'avait pas été autant sous-exploité. Côté féminin, Nadia Gray, en jeune femme douce et bienveillante, est mignonne, mais franchement bien transparente. Élina Labourdette, en épouse vénale, est vite inable avec ses trémolos aussi inutiles que risibles. Seule Andrée Clément -- dont c'est malheureusement le tout dernier rôle en raison d'une saloperie de tuberculose fatale ; elle n'avait que 35 ans -- en secrétaire dévouée et grande gueule, parvient à être à la hauteur de Gabin, pour ce qui est de la présence et du talent. À tel point qu'elle lui chipe quelquefois la vedette.
Elle et lui sont clairement les deux seuls intérêts de cette œuvre, autrement particulièrement ratée sur les plans de l'écriture et du casting.