Pour leur dernière danse à l’écran, John Ford et John Wayne s’offrent un pas de côté, à savoir une vraie comédie qui contraste après leurs dernières sombres collaborations. Paradoxalement, cette Taverne de l’Irlandais est à la fois un film comme aucun autre et une œuvre typiquement fordienne avec son humanisme, ses amitiés viriles, ses amours évidentes, ses personnages originaux, ses enfants espiègles, ses thèmes religieux, son goût des espaces.
Mais, contrairement à beaucoup d’œuvres de Ford, le pitch n’a ici aucun intérêt. Au menu : de beaux paysages, quelques bagarres, une histoire d'amour, une dose d'humour et une bonne humeur générale. La Taverne de l'Irlandais est un film qui donne le sourire tant il est léger comme une bulle. Ce n'est pas L'Homme tranquille mais une probable variante dans les îles. Cela peut paraître anecdotique, mais c'est justement cet aspect anecdotique qui donne tout son charme à ce film qui ne raconte rien ou pas grand chose mais qui brosse avec humanité une galerie de portraits hauts en couleur. Dans cette île fictive, Ford réinvente un monde, éloigné de celui qu'il a souvent peint, où l’humanité paraît apaisée et les difficultés faciles à surmonter. C’est un lieu qui change ses habitants, à l’image du personnage féminin principal qui ne restera pas longtemps cette vieille fille collée montée.
Lumineux, léger, infiniment tendre, ce film, qui hésite entre la farce et le conte, délivre un message rafraîchissant. S’il n’a pas grande presse tant on lui reproche sa paresse au regard des œuvres majeures du duo, il est pourtant une formidable conclusion à une riche collaboration. Ces deux hommes, plus tourmentés qu’on n’a pu souvent le croire, offrent un film généreux, optimiste, aux paysages et aux couleurs sublimes, agrémenté de quelques scènes de bourre-pifs délirantes. Un film qui ressemble à une vie quelque peu idéalisée où la vie des adultes semble prolonger celle des enfants. Un film à part qui définit parfaitement le feel-good-movie avant même qu’on n’en invente le concept.