" Je tuerai la pianiste afin que l'on sache que quelque chose existe "
On hésite toujours après avoir vu un Haneke sur la perversité de ce dernier, cette manière neutre, froide et totale de nous entraîner au bord du précipice, de créer des réactions limites, de figer ses plans comme il fige nos sens. En s'associant ici à Isabelle Huppert, actrice glaçante à la filmographie bluffante, il augmente cette impression de froideur et de crispation mais c'est pour mieux faire exploser la douleur du désir.
L'amour, Haneke ne le conçoit pas de la même manière que le dictionnaire ou encore que Walter, qui se voit poète, esthéte tout autant de par sa musique que de par sa jeunesse dans laquelle il tombe amoureux, pétri de fascination lors d'un concert privé donné par ce professeur de piano respectée et indifférente aux éloges.
De la vie d'Erika, on a des brides fracassantes, du début avec la mère (superbe Girardot) aux endroits plus glauques où elle fait tâche tel les salons pornographiques. L'intérêt d'Haneke n'est pas tant dans la représentation d'une sexualité frustrée ou destructrice que dans la mise en tension de deux êtres au cœur de la destruction tant morale que physique, tout e par le sang et les larmes, rien n'a la douceur qu'on pourrait attendre d'un amour naissant de jeune homme. C'est l'étouffement qui domine, celle d'une vie de sacrifices, en silence, dont on ne peut sortir que par des actes ultimes, jusqu'à la fin, quand le fil cède enfin et que plus rien ne puisse s'effacer !
Je ne pourrais donc jamais trancher en ce qui concerne Haneke, cet homme qui dit tout en restant imible, qui lâche son film qui parfois manque de rythme tout en créant une atmosphère particulière...Savoir si l'homme est un génie ou un imposteur pervers, je ne sais, toujours est-il qu'il sonde l'humain et ses fêlures d'une manière forte et puissante. Je ne peux donc que l'irer tout en le craignant...