Alejandro Jodorowsky signe avec La Montagne Sacrée une œuvre cinématographique unique en son genre, véritable expérience sensorielle et spirituelle. Le film dée le cadre traditionnel du cinéma pour devenir un rite initiatique filmé, un miroir psychédélique tendu à notre époque et à ses illusions.
La force du film réside dans son audace totale. Il ne craint ni la provocation, ni l’hermétisme, ni l’excès. Jodorowsky convoque l’ésotérisme, l’alchimie, la critique sociale et religieuse, et les assemble dans une fresque visuelle où chaque plan pourrait être un tableau surréaliste. La photographie, absolument sublime, donne au moindre symbole une charge quasi sacrée. On est sans cesse balloté entre fascination et inconfort, ce qui constitue précisément la réussite de ce voyage spirituel.
Le personnage du Voleur, alter ego christique du spectateur, nous embarque dans cette quête de transcendance où des personnages grotesques et caricaturaux représentent les travers du monde moderne : pouvoir, sexe, argent, guerre, science dévoyée. La satire est féroce, mais jamais gratuite. Chaque scène possède plusieurs niveaux de lecture, et Jodorowsky s’adresse autant à l’intellect qu’à l’inconscient.
L’audace du cinéaste culmine dans la célèbre scène finale, où la fiction est volontairement brisée, invitant le spectateur à prendre conscience de sa propre réalité et à cesser de se perdre dans les illusions du cinéma, et de la vie elle-même. C’est une rupture brillante, osée et profondément humaniste.
En résumé, La Montagne Sacrée est une œuvre magistrale pour qui accepte de lâcher prise et de se confronter à un cinéma visionnaire. Elle reste aujourd’hui l’une des rares propositions artistiques capables de dialoguer à la fois avec la philosophie orientale, l’occultisme occidental et la critique sociale contemporaine, tout en offrant une expérience esthétique absolument fascinante.
Un film qui ne se regarde pas : il se vit.