3ème Festival Sens Critique, 3/16
La Divine, c’est la mère, qui doit ici composer avec un autre rôle que la nécessité lui impose, celui de la prostituée.
Un tel sujet dans un film de 1934 impose un certain tact, qui génère une pudeur au service d’un pathos parfaitement maitrisé. Par petites touches, avec un sens de l’économie, Wu Yonggang retrace l’infamie de la prostitution : le ballet dans la rue, deux robes pendues au mur, un plan en plongée sur un couple en négociation et la démarche fatiguée dans un escalier au petit matin. Deux figures masculines entourent la protagoniste : le souteneur imposé, figure d’un système qui dévore et asservit, et le fils, sur lequel elle projette la rédemption qu’elle sait impossible pour elle. A l’extérieur, c’est une foule qui broie : parce qu’elle consomme, parce qu’elle opprime, qu’il s’agisse de la police ou des criminels. A l’intérieur, la construction modeste d’un foyer génère la tendresse : les repas, le bercement au gré du balancier de l’horloge et l’espoir en des lendemains meilleurs.
[Spoils]
Cette dynamique du récit fonde la perspective d’une tragédie sociale. La troisième figure masculine, celle du directeur de l’école, va permettre un temps d’imaginer l’insertion possible. C’est sans compter sur l’équilibre des forces antagonistes et la triste lucidité porté sur l’humanité. Car à ce rédempteur répond la nouvelle force collective, non plus de la rue, mais des mères de l’école qui font tout pour faire porter au fils les souillures de la mère.
Digne et combative, mère courage prend la mesure des enjeux : ce n’est que par l’effacement qu’elle pourra garantir la libération de son fils. Fuite, meurtre, renoncement : tel est la voie à suivre, et le constat terrible sur le système qui broie les individus.
Film pessimiste, pudique et digne, La Divine fait souvent penser au Journal d’une fille perdue, et son interprète nous renvoie au charme de Louise Brooks face à la violence du monde extérieur. Il parvient, dans un océan de noirceur, à faire briller un regard et porter à bout de bras l’espoir de jours meilleurs pour quelques hommes d’honneur.