Lynche-moi tranquille*

Réduire l'immense film que constitue cet "étrange incident" à son propos est évidemment totalement réducteur.
Penser que toutes ses qualités pourraient se résumer à son message ou être contenues dans son dénouement (d'ailleurs parfaits, à un détail près) est une formidable erreur doublée d'une tragique ime.


Dès la première scène le ton unique du film inonde l'écran de son talent insolent.
Si la photo est impeccable, si les acteurs sont à leur niveau routinier (proche de l'exceptionnel, ç'en est presque dégoutant, je vous laisse zieuter la distribution menée par mon doux Henry), si la trame vous prend aux tripes dès les premières minutes, c'est bien dans l'écriture que se niche ce qui va chatouiller notre petite glande intime à jouissance.


Les dialogues sont cinglants et vifs, les relations entre les individus jamais convenus et loin de bien des clichés propres aux films de toutes les époques (les "pros" et "anti" ne se quittent jamais, et interagissent jusqu'à la fin, exempte d'un conflit ouvert si facile à imaginer), les amourettes, évoquées, rapidement esquivées. Les meneurs sont peu nombreux et guidés par des motivations propres et doivent sans cesse justifier leur positions face à une foule plus avide de sensation et que de sang, prête à basculer dans un sens ou dans l'autre à tout moment. Face à eux, le personnage interprété par Fonda n'est ni un grand penseur ni un idéaliste animé de grands principes. Il se montrera à la fois maladroit et indécis jusqu'au bout, ayant très peu d'influence, finalement, sur le cours des évènements.


Cette écriture géniale est due à Lamar Trotti, qui a écrit une pléthore de bijoux, au premier rang desquels trônent "capitaine de Castille", "vers sa destinée" "sur la piste des Mohawks" "la ville abonnée" ou "rendez-moi ma femme" (étant modeste, je ne parle que de ceux que j'ai vu, hein ?)


Alors oui, le seul bémol du film est la lettre qu'un des condamnés écrit avant de rencontrer une mort certaine. "le condamné ne s'épanche pas dans sa lettre sur son amour pour sa femme et ses enfants, il préfère léguer à son épouse un essai de philosophie sur la justice" écrit assez justement Gallu et cela est d'autant plus dommage que la scène réunissait tous les éléments pour être inoubliable, et du coup confère même au métrage une solennité dispensable, sans laquelle nous tenions un chef-d’œuvre absolu et définitif du 7eme art.


Un bien mince reproche face à l'épaisseur du plaisir brutal et radical que procure la vision de cet étrange incident.
Et un dernier point: ne lisez pas le résumé de SC, tiré de Wikipédia, si vous souhaitez garder une once de surprise au cours de ce "Oh que c'est beau ! Incident"



  • (je vous prie d'exc la facilité de ce titre, mais il se trouve qu'il est, au delà de l'adaptation d'un jeu de mot éculé, finalement assez juste)

9
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le 28 avr. 2013

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guyness

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