Kill Bok-Soon est un John Wick swap gender. Il ajoute à son prédécesseur un nouveau propos sur le monde du travail. Dans John Wick, Keanu est un tueur à gages entre deux âges, qui tente de partir à la retraite (vivant, si possible). Alors que dans Kill Bok-soon, Doyeon est une tueuse à gages, pas bien plus âgée, mais employée modèle ET maman déée qui tâche de trouver un équilibre entre vie pro et vie perso. Voilà une sacrément bonne idée. Après, c'est vrai qu'il y a plein de bonnes idées qui n'ont pas fait de bons films. Mais coup de bol pour nous, Kill Bok-soon cumule les deux et tape dans le mille (ça résume assez bien le perso d'ailleurs). Ses principales préoccupations sont : 1) rester sur le marché du travail malgré son rôle de mère célib (c'est mal vu), 2) ne pas se faire déclasser par les petites nouvelles qui arrivent (pourtant son domaine d'activité n'est pas féminisé) et 3) gérer son ado chiante après le boulot (jamais tranquille...). Devoir tout assumer à la fois, je vous dis pas la charge mentale (assumer tout, partout et en même temps : le destin des mamans). Comme l'héroïne le rappelle consciencieusement "ça m'épuise, mais la différence entre mère et employée, c'est qu'on peut pas démissionner". Bok-Soon se reproche même parfois son égoïsme quand elle refuse de sacrifier sa carrière à sa fille. L'injonction sociale est redoutablement intériorisée. L'entreprise de meurtre sur commande qui l'emploie se dissimule sous les traits d'une agence de talents (le genre idols). Les contrats sont rebaptisés "shows", et leur exécution prend effectivement une tournure assez spectaculaire, la plupart du temps. L'occasion pour le métrage de faire grincer son ironie sur plusieurs domaines à la fois, tout en nous donnant à voir : des gags de situation, exposés à la tronçonneuse, ou une confrontation épique, dynamisée par un pano orbital audacieux. Les scènes d'actions sont filmées dans un mood fun-super-cool et les homicides sont ponctués des proverbiales répliques badass, ou juste bien cheezy (des fois que vous commenceriez à douter qu'il s'agit d'un film d'assassins, avec ma description biaisée, là). Mais l'intérêt final du film se cache bien sous sa skin pulp. Derrière l'actioner/thriller bourrin full-second degré ironique, se dissimule un drame familial très sérieux (si si), destinée à toutes les mamans solos qui doutent. Et ça, cela fait de Kill Bok-soon un peu plus qu'un film "sympa", mais aussi un film "important" (dans son genre). Il y a 50 ans de cela, le cinéma coréen s'adressait plus souvent (voire majoritairement) aux mères de famille, d'entre tous ses publics (pour tout un tas de raison, que je vous épargne bien volontiers, mais sachez que cela a existé). Alors, voir un film coréen actuel qui semble se (re)diriger ainsi vers un public traditionnel mais négligé, alors même que ce dernier l'a également déserté à la faveur d'une production pléthorique de dramas qui les ciblent (et comble de l'ironie : sur Netflix, qui en est quand même chez nous, le navire amiral) et bien ça mérite quand même de lui lâcher un peu plus qu'un "Vu", non ?