Je suis très étonné par la réception unanimement favorable de ce premier volet cinématographique de Kaamelott, car il me semble être tant un mauvais film qu'un mauvais Kaamelott.
Pour le mauvais film, cela est évident. Coupes monstrueuses, montage en roue libre, difficulté à se soustraire des procédés du petit écran. Mais ons, car c'était assez prévisible, et ce n'est pas vraiment ce qui intéresse Astier que de faire du cinéma (tout ce qu'il veut, c'est raconter une histoire, la forme ne l'intéresse guère, ça se voit d'ailleurs dans la dernière vidéo Konbini où il parle de ses goûts ciné).
Mais c'est pourtant dans sa narration que le bât blesse le plus, et qui me fait dire que c'est un mauvais Kaamelott.
Et alors là, je ne sais par où commencer, tant tout me semble mauvais. Spoilers.
Le film ne remplit aucune de ses trois promesses :
- Ni sur le plan de l'émotion, le film en étant totalement dénué, alors qu'il avait quand même un boulevard devant lui, considérant la nostalgie et l'opportunité des retrouvailles entre les personnages (grotesquement sabordées, à chaque fois).
- Ni sur le plan comique. Tous les gags sont des resucées des sketchs des premiers livres, et tombent tous à plat : les répliques de Kadoc, les incompréhensions de Perceval/Karadoc, les termes employés à mauvais escient (ici dans la bouche de Chabat). Le verbe, autrefois savoureux, qu'Astier offrait à ses personnages il y a 15 ans ne trouve aucun moyen de s'épanouir dans ce film abruti par les caméos qui n'a le temps de ne laisser respirer aucun personnage, ni déployer sa verve (à l'exception de Gallienne au début, peut-être).
- Ni sur le plan de l'avancée de la légende arthurienne. Le film ne fait que ressusciter des enjeux sempiternels de la série : la lutte fratricide entre un roi et un félon (ici vidée de toute substance dramatique), des conspirateurs incompétents qui galèrent, des braves gars encore plus incompétents qui galèrent encore plus. A la fin du film, on se retrouve au point zéro de la série : une forteresse reste à construire, des chevaliers restent à recruter, le félon est toujours dans la nature, les personnages teubés sont toujours teubés.
Le grand talent d'Astier, c'était surtout son intelligence dans la direction d'acteurs. On peut lui reprocher beaucoup de choses, mais le type sait quelles lignes vont à quels acteurs et comment exploiter au mieux le potentiel de ceux-ci (en atteste, dans la série, le monologue de Mondy, les tirades acerbes de Rollin...). Cela nécessitait néanmoins une chose : de l'espace et du temps pour les acteurs. En cela, Astier s'est trahi lui-même en choisissant le médium filmique et en insérant plus de personnages : ces derniers n'ont aucun espace pour respirer, les pauvres ne peuvent balancer qu'une réplique qui sera charcutée par un montage affolé.
Maintenant, puisque j'aimais beaucoup la série, il y a quelques points, sur le fond, qui me chagrinent, comme la figuration du Père Blaise, é inexplicablement dans le camp des antagonistes, qui ne viendra jamais expliquer ses motivations, ni même se confronter à Arthur dans le face-à-face final : d'ailleurs, on sent bien qu'Astier n'avait pas envie de se faire chier à ce niveau-là, puisque le Père Blaise est le seul qui n'est pas filmé en train de er devant Arthur de manière gênée lorsqu'il prend la fuite (contrairement à Loth et Dagonet) ! Problème de respiration, encore une fois, le film et ses personnages ne vivent jamais, ce sont des figures mécaniques, répétant machinalement des habitudes de la série.
Autre problème : les flashbacks, inutiles (sauf à donner l'impression que l'art est pour Astier une OPA familiale). En plus, le dernier flashback, incompréhensible, censé expliquer la miséricorde d'Arthur face à Lancelot, vient occulter des raisons autrement plus pertinentes pour le roi d'épargner le traitre : le geste de Lancelot à la fin de la saison 5, leur histoire commune... des arguments plus convaincants que ce flashback fumeux et abstrait.
Ainsi, là où les livres V et VI étaient imparfaits mais complexes, inégaux mais riches en thématiques et enjeux, offrant quelques éclats de tragique et de comique, le film est un peu plus sûr de lui mais insignifiant, standardisé, un divertissement qui veut accumuler beaucoup mais ne promet pas grand chose.
En somme, Kaamelott a perdu de son âme ici, pâle BD cinématographique d'Astérix, sous-Mission Cléopâtre, qui n'emporte ni par le comique, ni par le sens de l'aventure (risibles enjeux risiblement exploités). Astier ne fait que cocher des cases : hop Rollin balance une citation en latin, hop Astier fait du Astier (la gueule, quoi), hop Perceval fait un jeu absurde, hop on tease la suite. Ce n'est pas un travail d'artiste, ni un travail d'artisan, mais un travail de simple exécutant. Très décevant.